Le blog de notre année sabbatique en famille sur un voilier en Polynésie

Raiatea

Ce ne sont que des au revoir…

samedi 28 septembre 2019, une page se tourne dans notre voyage: Lotus, notre compagnon des premières heures, prend la route pour la Nouvelle Zélande; d’abord huit jours de navigation jusqu’aux Tongas, puis une autre semaine jusqu’à la terre des All Blacks. Son départ nous laisse tous un peu orphelins: Agathe et Cécilie ont profité d’une énième soirée pyjama chez leurs copines Violette et Lilas, et l’ultime soirée jeux s’est étirée jusqu’à 1h30 du matin, chacun intimement persuadé qu’il n’était que 23h30…

Ils nous auront accompagnés lors de nos premières mouillages, immortalisé nos expériences variées avec le spi, partagé nos nages avec les mantas… une bien belle rencontre en ce début de voyage! A nous maintenant de trouver notre indépendance, de grandir en tant que navigateurs, et on espère se recroiser l’été prochain en métropole!


dimanche 29 septembre, le maraamu (un fort vent de S-E) nous chasse de notre mouillage à Tahaa, nous y reviendrons très bientôt promis, et nous descendons sur Raiatea, près de la pointe de Mirimiri: nous y serons à l’abri ces quatre prochains jours.

Nous avons accès depuis notre mouillage au ponton du Raiatea Lodge, qui propose lundi une soirée polynésienne, avec démonstration de pareo, confection de couronnes de fleurs, et danses! C’est l’école de danse locale qui régale, et la plus jeune des danseuses a 5 ans! Il semblerait que ce soit une histoire de familles, beaucoup des musiciens sont des papas ou des frères, voire des cousins, l’ambiance est très sympa! Les filles sont invitées à danser, et on mesure la marge de progression qu’il reste à combler avant d’être au niveau ^^…

Le lendemain nous louons une voiture, pour faire quelques courses à Uturoa, la grande ville, ainsi que le tour de l’île. Uturoa nous fait un peu penser à une ville du Far-West: une ou deux grandes rues principales, bordées de boutiques qui vendent de tout, les trottoirs sont surélevés et protégés par les avancées des toits des magasins. Il ne manque que la terre battue et les abreuvoirs pour les chevaux…

street art!

En roulant dans les faubourgs, on s’aperçoit rapidement que le niveau de vie à Raiatea est plus élevé qu’à Huahine: il y a davantage de belles maisons « en dur » et beaucoup plus de commerces. L’état de la route circulaire est comme d’habitude impeccable , avec des points de vue à couper le souffle sur les baies et des falaises vertigineuses: le Mont Tefatua culmine à 1 017m, et justifie pleinement le nom de ce blog!

Nous visitons une ferme perlière sur la côté est de l’île: c’est justement le jour de la récolte des perles. Nous pouvons donc assister à la délicate opération d’ouverture des coquilles et de l’échange de la perle (seulement si elle est jolie!) avec un nouveau nucleus: il s’agit d’une petite boule de nacre blanche, découpée par les Japonais à partir d’une huître du Mississipi. C’est autour de celui-ci que l’huître, sécrète une couche de nacre qui enveloppe ce nucleus et forme la perle. Lors du premier ajout de nucleus, un greffon – issu du manteau d’une huître choisie pour la qualité de la couleur de sa nacre – est ajouté et c’est ce qui déterminera la couleur de la ou des perles que l’huitre produira.
Une huître est greffée pour la première fois dans sa 3ème année: si elle rejette la greffe, elle ne sera pas remise à l’eau avec les autres; si elle a donné une perle, le greffeur la récupère et met à sa place un nucleus de même taille que la perle sortie: l’huître va continuer à entourer ce nucleus, de la même couleur que la perle précédente (pas besoin d’un nouveau greffon). Lorsqu’elle a donné trois perles, donc au bout de trois ans, elle n’est plus utilisée par les perliers, sachant qu’entre chaque perle le risque de rejet existe. C’est une culture avec un fort pourcentage de risque, le rendement n’est qu’autour de 65-70%, et une grande partie d’entre elles n’est pas parfaitement ronde: elles peuvent être allongées (sous forme de poire), bosselées, rainurées… Il existe des catégories de perles, de A, les parfaites, à D, en fonction donc de leur forme, de leur aspect lisse, de leur brillance… Tout un monde!


Nous continuons notre tour, en prenant LA deuxième route, la traversière, qui coupe à travers l’impressionnant massif montagneux de l’île. Nous parvenons à louper le belvédère indiqué sur la carte, mais nous nous régalons quand même! A ce propos, nous arrivons dans une partie de l’île plus déserte, nous nous arrêtons pour déjeuner à l’hôtel assez confidentiel Opoa Beach, dont le restaurant nous propose de très bons poissons crus! Les filles se régalent de brochettes de poulet à l’ananas, ce dernier particulièrement succulent…


Nous nous rendons ensuite sur le plus grand site archéologique de Polynésie: le Marae Taputapuatea, qui est le seul de ces îles à avoir eu un rayonnement international: lorsque les habitants des îles du Pacifique voulaient implanter un nouveau marae, ils devaient se rendre à celui de Raiatea pour en prendre une pierre qui participera à l’édification du leur. Il fait partie du Patrimoine mondial de l’Unesco, et le site est très bien mis en valeur; des recherches archéologiques ont encore lieu, il reste encore beaucoup d’inconnues sur la civilisation polynésienne pré-européenne. Les filles se sont surtout intéressées à deux employés qui cueillaient des noix de coco avec un tracteur, et aux crabes des cocotiers qui se cachaient dans leur trou à leur approche…


Dernière étape dans notre tour: nous sommes attendus à 15 heures chez Christiane, une collectionneuse de coquillages! Elle accueille chez elles les curieux pour leur faire découvrir une toute petite partie de ses 2500 spécimens, et c’est passionnant: toutes les formes, toutes les couleurs, toutes les tailles, avec chacun leurs particularités (telle espèce dissout sa nourriture avec un acide, telle autre lance un de ses sept mini javelots capables de transpercer les petits poissons…)… Christiane est ravie de partager sa passion, un de ses amis collectionneurs est également présent et ajoute quelques précisions (il publie dans les semaines à venir un livre, en collaboration avec eux autres spécialistes, qui fera date dans le milieu du coquillage, paraît-il). Nous ressortons deux heures plus tard bien plus savants qu’en entrant. Nous retenons surtout qu’il y a très peu de coquillages en Polynésie, on trouve les plus beaux et les plus gros aux Philippines, d’où ils seraient partis coloniser le monde, et peu d’entre eux sont parvenus jusqu’ici… Les filles ont la chance de se voir offrir trois beaux spécimens chacune!


Nous terminons notre tour avec un beau coucher de soleil et quelques courses à Champion, nos provisions pharaoniques commencent à s’amenuiser (surtout celles de chocolat).
Aujourd’hui jeudi 3 octobre nous changeons de mouillage, le vent est repassé à l’est et s’engouffre entre Raiatea et Tahaa, malmenant notre bateau à l’ancre. Nous descendons un peu plus au sud, et notre nouveau mouillage, près de la passe Toamaro est magnifique, entre motu et falaises verdoyantes; même si le vent souffle encore pas mal, il est plus en phase avec le courant, nous devrions mieux dormir cette nuit!

En bonus: la recette du gratin de Uru, aussi appelé fruit de l’arbre à pain!

Prenez un fruit bien mûr (des gouttes de sève doivent s’en échapper)
Laissez-le reposer la nuit
Le lendemain, épluchez-le et retirez le centre

Découpez le en fines tranches, et faites des couches dans le plat à gratin en alternant avec de la crème fraiche.

Une bonne heure au four, et c’est prêt! Le goût est proche de celui de la pomme de terre, mâtiné de celui de la châtaigne… C’est exquis!
Lorsque le uru est très mûr, son goût est encore plus sucré, et c’est excellent en purée!

Des nouvelles du régime de bananes reçu à la vanilleraie: il a bien mûri, et a été dépouillé cet après-midi de toutes ses bananes, qui ont été épluchées, coupées en morceaux et congelées… pour de futurs gâteaux!

Tahaa

Des coraux, des bougies…et du rhum!

Nous changeons de mouillage, et contournons Tahaa par le nord, sous spi encore une fois (on ne s’en sépare plus!), avec la magnifique surprise de découvrir Bora Bora en passant la pointe Nord, c’est splendide! Lotus est parti une heure avant nous, en optant pour le sud, nous n’arrivons pas bien longtemps après eux ( et pas peu fiers), ce qui leur permet de filmer notre arrivée dans ce mouillage (encore une fois) merveilleux!

Lotus et Fakarêver


Nous sommes cette fois complètement à l’ouest de l’île, à côté du motu Tau Tau; entre les îlots de celui-ci passe un petit bras de mer, qui s’est fait colonisé par des milliers de coraux, proposant une magnifique rivière de corail. Dans deux mètres d’eau, poussés par un léger courant, les nageurs sont portés à travers des forêts multicolores et protéiformes, au milieu de bancs de poissons curieux et joueurs, qui les accompagnent dans leurs déambulations aquatiques.


Nous nous rendons tous les jours sur ce lieu magnifique, les filles prennent petit à petit de l’assurance – et moi aussi, mais je préfère lorsqu’il y a un peu plus de fond: nous nous sommes retrouvés plusieurs fois bloqués dans ce dédale corallien, étant sortis du chenal touristique, et obligés d’enjamber les patates très gracieusement, les palmes aux pieds…
Une des ces journées se termine en apothéose lorsque, en train d’étendre les serviettes, j’aperçois des remous à quelques dizaines de mètres du bateau; après quelques minutes d’observation attentive, et corroborée par les yeux des filles, nous sautons dans l’annexe (Vincent était encore dedans), et nous nous approchons de cette grosse chose aquatique: ce n’est pas un dauphin, c’est trop stationnaire; c’est noir, un aileron sort, une baleine?? non trop petit… et un petit bout de blanc émerge: une raie-manta! Évidemment je plonge, mais je n’ai pas eu le temps de prendre mes palmes, je peux juste capturer quelques images avant qu’elle ne me sème très facilement…
Le 27 septembre, nouvel anniversaire à bord: celui du capitaine! Sachant que le soleil se lève à 6h, qu’il se couche à 18h, et qu’il y a trois filles à bord, quel est son âge?? Il a droit à un beau petit déjeuner avec des cadeaux personnalisés de la part des filles, puis d’un gratin de Uru pour le déjeuner avec Lotus, qui lui offre des raquettes de plage pour qu’il puisse continuer à exercer son revers!


Pour oublier les années qui passent, nous allons visiter la rhumerie Pari Pari, qui se situe dans la baie en face du mouillage. Il s’agit d’une distillerie artisanale bio, qui a gagné la médaille d’or au Concours Générale Agricole de Paris, devant le rhum martiniquais et guadeloupéen! La maison n’a qu’une douzaine d’année, et travaille avec une trentaine de familles de l’île qui font pousser des petites parcelles de canne à sucre. De l’huile de tamanu est également produite sur le site, ainsi que de l’huile de coco, et un anti-moustique bio paraît-il infaillible. Nous repartons réapprovisionnés pour nos prochaines navigations…

Pour occuper vos week-end automnaux pluvieux, un petit challenge: saurez-vous retrouver tous les poissons qui apparaissent dans la vidéo ci-dessous? Un séjour sur notre bateau est à gagner ^^!!

Dans la rivière de corail!
Tahaa

Sur l’île Vanille

LA visite que les filles attendaient, l’Ile tant désirée, celle de Vaimiti, des senteurs épicées, des yaourts… L’île Vanille!
La baie où nous mouillons a été stratégiquement pensée pour nous rendre facilement en annexe à la Vallée de la vanille, une vanilleraie connue de Lotus, qui propose une petite visite de leurs plantations et quelques explications sur les utilisations de la vanille. Je me rends compte en y allant que je n’ai aucune idée de ce à quoi ressemble un arbre de vanille, malgré la banalité de ce parfum que l’on retrouve chez tous les glaciers. Comment passe-t-on de la jolie fleur jaune (présente sur les opercules des yaourts de Super U…) à la grande gousse noirâtre? et pourquoi des fois il y a des petits points noirs dans les crèmes à la vanille?


J’ai eu toutes mes réponses, et nous en avons pris plein les narines: déjà, la vanille est une plante grimpante, qui s’enroule autour des feuillus mais sans les étouffer. Elle a été introduite en Polynésie par les Européens, qui l’ont importée du Mexique; malheureusement, seuls quelques insectes sont capables de la polliniser, et ils n’ont pas été apportés avec la fleur. Il faut donc polliniser manuellement chaque fleur de vanille pour qu’elle puisse produire ses fameuses gousses. Son prix sur le cours des épices est assez affolant, c’est la deuxième épice la plus chère après le safran.

La variété qui pousse en Polynésie Française est la vanilla tahetensis, une espèce un peu différente de la vanille Bourbon que l’on connait mieux en France, et elle a la particularité de garder sa gousse fermée même une fois séchée.


De loin on dirait des gros haricots plats, elle prend sa couleur une fois cueillie et séchée au soleil. L’odeur qu’elle dégage laisse dans un premier temps assez dubitatif, entre « hum ça sent bon » et « ça pue un peu non? », mais on finit par reconnaître le doux parfum auquel on est davantage habitué.


La France est le premier consommateur de vanille au monde, et on peut l’utiliser sous différentes formes: directement des morceaux de gousse avec ses graines, de la poudre, de la pâte ou encore de l’essence de vanille, que l’on obtient en la laissant macérer dans du rhum.


Nous rencontrons également les noix de Tamanu! On nous avait conseillé son huile verte le deuxième jour de notre arrivée à Tahiti, pour soigner les petites plaies aux jambes de Cécilie, et c’est vraiment une huile magique: désinfectante, cicatrisante, elle soigne les petite brûlures, les ampoules et les petites plaies, testé et approuvé! Nous en ramènerons plusieurs litres en France sans faute…


Nous discutons avec la patronne de la vanilleraie qui, apprenant que nous sommes sur des bateaux, nous offre deux régimes de banane, un énorme potiron et trois uru de son jardin! Elle nous ramène même aux annexes dans son camion, pour la plus grande joie des filles…


Nous déjeunons tous sur Fakarêver, et testons la vanille fraichement achetée dans une sauce pour accompagner le poisson, avec des chips d’Uru, et un gratin du même fruit pour ce soir… De la grande gastronomie polynésienne!

Huahine

Autour de Huahine

Nous sommes restés une bonne semaine au mouillage paradisiaque de la baie d’Avea, même si nos rencontres avec les mantas se sont faites plus rares au fil des jours; le temps s’est un peu dégradé, il s’est mis à faire froid (moins de 25° C, un scandale), même à pleuvoir, heureusement nous avons réussi à faire l’anniversaire de Cécilie sur la plage entre deux averses…

Nous avons donc pris la dure décision d’appareiller mercredi, au grand dam de Cécilie (« mais pourquoi? C’est super ici, y’a la plage et le restaurant !»), pour remonter au nord de l’île, en face du village de Fare. Lotus doit remplir les formalités de sortie de territoire, car il ne leur reste plus que quelques jours en Polynésie avant le grand départ pour la Nouvelle-Zélande, et nous pouvons louer une voiture pour faire le tour de l’île. Comme c’est les vacances scolaires ici – une semaine toutes les cinq semaines de cours, l’idéal! – il y a pas mal de touristes (locaux), donc pas de voiture disponible avant samedi; nous passons les journées sur les bateaux des uns et des autres, à jouer aux playmobils (pour certaines) et boire du rhum (pour d’autres)… Nous plongeons sur les récifs alentours, croisons quelques requins pointes noires et de beaux bancs de poissons à deux selles, mais l’eau est froide – moins de 25 °C, on songe à investir dans des combinaisons neoprène…

Poissons à deux selles ^^

Samedi 21 septembre, nous entreprenons le tour de l’île en passant entre les grains – on comprend mieux pourquoi la végétation est aussi luxuriante- et il s’avère aussi instructif que varié: nous en savons enfin un peu plus sur la fonction des marae, dont nous trouvons tant de vestiges sur les différentes îles visitées, grâce au très joli petit musée archéologique de Maeva, qui se trouve dans un fare potee (une maison commune) reconstitué.

Plusieurs maquettes de bateaux polynésiens à balancier sont exposées, avec quelques explications sur la navigation à l’aide des étoiles et des courants telle que la pratiquaient les maîtres explorateurs avant l’arrivée des Polynésiens. On comprend mieux également l’importance des va’a, ces pirogues que nous croisons dans toutes les îles, et l’engouement pour les courses inter-îles. Début novembre aura lieu la Hawaiki Nui au départ de Huahine, grand évènement sportif retransmis en direct à la télévision, et pour lequel toute l’île commence déjà à se préparer: la boutique où nous avons loué la voiture par exemple changeait son lino pour l’occasion!


Nous nous rendons sur le site de plusieurs marae au nord et au sud de l’île, qui présentent la particularité d’avoir d’énormes rochers au niveau des fondations, ce que nous n’avions pas remarqué à Tahiti. Celui proche de la baie d’Avae est rempli de coraux noircis, que nous avions pris au départ pour des pierres ponces, c’est assez impressionnant.

Nous visitons ensuite l’atelier de l’artiste-peintre Mélanie Dupré, une Australienne installée depuis plus de 15 ans dans les îles et qui se régale: huiles, aquarelles, encres, elle parvient à travers différents supports à recréer la lumière des lagons et les regards des Polynésiennes, avec également de très belles natures mortes des fruits d’ici.

Nous profitons d’une belle éclaircie pour plonger dans le lagon de la plage de l’ancien Sofitel, qui a été détruit il y a une quinzaine d’années par un ouragan. Le lagon est splendide, avec un beau jardin de corail; la plage magnifique est quasiment déserte, la belle vie…

A midi nous nous arrêtons au village de Faie, où l’on peut admirer d’énormes anguilles sacrées. Elles se reproduisent dans le lagon, puis remontent la rivière où elles se cachent sous les rochers. Des enfants du coin aident les filles à descendre dans le cours d’eau, puis à vaincre leur peur pour caresser ces gros poissons, aux yeux étrangement bleus! En discutant avec eux sur la suite de notre programme – à savoir trouver à manger-, ils nous orientent chez « tatie » qui fait de « menus », juste à côté.

Nous les suivons, un peu dubitatifs (nous n’avions rien vu en arrivant), nous entrons dans le jardin d’une petite maison, et effectivement, une « tatie » ouvre la fenêtre et nous propose de préparer – un menu typiquement polynésien peut-être?- des hamburger frites… Les filles sont ravies, nous sommes un peu déçus, mais ils sont très bons, et on avait faim…


En discutant avec les deux enfants, puis avec la tatie, nous avons un petit aperçu de la vie des Polynésiens, loin d’être aussi paradisiaque que leurs plages: le chômage est très élevé, les familles vivent très nombreuses souvent sur un seul salaire, il y a une forte ségrégation entre ceux qui sont propriétaires, ceux qui ont planté des fruitiers, ceux qui viennent d’une autre île, ceux qui ont travaillé à Tahiti puis reviennent sur leur île natale avec un pouvoir d’achat bien plus fort… Ce n’est pas évident de trouver sa place et de faire son trou, surtout qu’en lisant la presse locale, on se rend vite compte que beaucoup de choses se font par copinage, de l’installation de la roulotte à un poste dans une haute administration.
Après cette incursion dans la vie réelle, nous retournons dans la bulle de notre voyage pour parcourir la partie sud de l’île, encore plus sauvage. Nous passons le long de la baie d’Avea, aussi belle depuis la terre que de la mer, et nous arrêtons à une petite boutique de pareo (“La passion du Pareo”): une métropolitaine du Sud-Ouest s’est lancé dans cet artisanat depuis quelques années, et fait volontiers partager sa passion des teintures avec les touristes de passage.
Retour au point de départ après quelques détours (et pourtant on nous avait assuré qu’il n’y avait qu’une route), pour des retrouvailles au soleil avec Lotus. Fakarêver n’est pas resté inactif pendant notre escapade à terre, et s’est amusé à enrouler sa chaîne autour d’une patate de corail. Heureusement nous mouillons avec moins de 3 mètres d’eau, ce qui permet à Vincent de plonger, démêler et vérifier, puis nous remouillons quelques mètres plus loin pour dormir plus tranquilles, car de fortes rafales sont prévues pour le lendemain. Las, notre chaîne joueuse avait trouvé une autre patate le matin suivant…
Après quelques dernières courses de fruits et légumes au village de Fare, nous avons repris la mer cet après-midi avec Lotus pour Tahaa, l’île de la vanille! On la devine depuis Huahine, une petite navigation de quelques heures avec un vent quasi-arrière, sous spi, et sans problème! Il est sorti bien sagement de sa chaussette, s’est plié aux différents réglages en fonction de notre cap, et nous a même accompagné à travers la passe Est de Tahaa. Un décor incroyable, une entrée encadrée par deux motus, filmée par Lotus (déjà arrivé, on n’a pas réussi à les rattraper), magnifique…

tour de Huahine
Traversée Huahine-Tahaa
Huahine

Plongées entre deux rêves

Après ces longs détours, nous découvrons à notre réveil un petit bout de paradis: un mur végétal encadre la baie où nous mouillons, des milliers d’oiseaux ( et évidemment de nombreux coqs) emplissent l’air paisible de leurs chants (pas tous) mélodieux, des odeurs complexes s’échappent de la forêt environnante où poussent quantités d’essences de plantes différentes, l’eau est claire et chaude, une magnifique plage nous tend ses bras… Tahiti et sa foule (oui, une ville de 25 000 habitants est désormais une mégalopole à notre échelle ) nous paraît bien loin!


Nous mouillons sur un énorme banc de sable, avec très peu de profondeur, sur lequel se prélassent des milliers d’holothuries, aussi appelées boudins des mers, beaucoup plus parlant comme description. Pas de danger si on en écrase une, si ce n’est le souvenir d’une sensation visqueuse et poisseuse…
Réveillée de bonne heure, je vais nager sur ce banc de sable, ne découvrant qu’une longue étendue de saucisses noirâtres, quand je vois apparaître dans le lointain un dragon se roulant dans la poussière… ou plutôt une raie léopard fouissant le sable avec son museau. L’eau très peu profonde me permet de la voir de très près, mais elle s’enfuit assez vite, préférant déjeuner seule. Je continue ma promenade, m’approche d’une deuxième congénère, qui ne rechigne pas à partager ses meilleurs spots de mollusques. J’en profite pour faire des photos (j’ai déjà pris mon petit déj), puis la suis vers la partie plus profond de la baie. Ma nouvelle copine entreprend de me faire visiter sa propriété, et nous nageons de conserve (sans croiser de sardines) pendant 45 minutes: elle me fait longer la plage, le ponton où sont nichées de magnifiques anémones, me montre de belles patates de corail, même si l’eau est assez trouble dès qu’elle devient plus profonde.
La raie est tout aussi curieuse que moi, remonte régulièrement vers la surface pour nager à mes côtés, se positionne parfois un peu en-dessous de moi, me donnant l’impression de chevaucher une créature volante, c’est une expérience fantastique!
Au bout d’un moment, elle semble se mettre en pause, retournant au fond de l’eau sans trop bouger, comme pour une sieste. J’en profite pour traverser la baie et rejoindre le bateau, car cela fait un moment que j’ai très froid (l’eau n’est qu’à 27°C, c’est un peu limite, vivement les Tuamotu et leurs eaux à 30°C…).

Au milieu de la baie, j’aperçois une annexe pleine de touristes qui fait des ronds, je m’en approche, des fois qu’il y ait une baleine, et là… j’ai le souffle coupé, le coeur qui s’arrête, des feux d’artifice qui explosent dans ma tête: il y a trois énormes raies mantas qui s’avancent majestueusement… Toute notion de froid oubliée, je palme le plus vite possible pour les rattraper, et assiste bouche bée (c’est l’avantage du masque intégral par rapport au tuba…) à leur nage tellement belle et élégante… Complètement fascinée, je ne panique même pas lorsque la plus grosse remonte vers moi, la gueule béante à la recherche de plancton. Complètement submergée par l’émotion, je les suis une bonne vingtaine de minutes, ayant même la surprise de revoir apparaître la petite raie léopard, qui se lance à la poursuite de ses très grandes cousines, me permettant de mieux admirer l’échelle de ces bêtes gigantesques.

De retour parmi les humains, les filles terminent leurs devoirs et nous rejoignons Lotus sur la plage, à qui je montre béatement les photos et les films de la matinée… Les filles profitent des poissons et du sable clair et doux, puis nous nous installons au petit restaurant tout à fait charmant de l’hôtel de la baie, qui propose de très beaux plats à base de poissons crus. C’est beau, c’est bon, il y a des raies mantas pas loin, que demander de plus?

L’après-midi, petite plongée dans la baie, qui m’offre à nouveau un beau cadeau: je croise enfin des tortues! Jusqu’à présent seulement aperçues s’enfuyant à toute allure, j’ai tout le loisir cette fois de les admirer nager calmement d’un rocher à un autre, m’observant tranquillement du coin de l’oeil tout en m’acceptant sur leur territoire. Ma raie revient me faire un signe, elle est accompagnée cette fois d’un poisson nettoyeur « comme les grandes »…

Cette journée complètement folle se termine sur Lotus, je perds à la partie de tarot mexicain, mais je pense que j’ai largement épuisé mon quota de chance de ces douze dernières heures, je suis bonne perdante…

A minuit, j’ai terminé de monter toutes les vidéos de raies et de tortues pendant que Vincent rédigeait l’article sur notre traversée jusqu’à Huahine, quand ce matin, je suis retournée à l’eau… et après quelques heures, il a fallu que je me rende à l’évidence: il va falloir rééditer le film.

Pourtant, en maillot de bain dès 7h, je n’avais guère croisé que trois tortues (voyez comme je suis déjà complètement blasée de ce magnifique reptile que je rêvais de rencontrer depuis des semaines), quand, me rebaignant à 10h, je vois partir l’équipage de Lotus et Agathe (qui continue ses soirées pyjamas) en kayak en direction de la passe. Je les suis, et les ayant enfin rattrapés, ils m’expliquent qu’en filmant avec leur drone ils ont aperçu une raie manta près de la passe, mais qu’elle venait de repartir. Je traîne un moment dans le coin (je n’ai rien d’autre à faire, ma copine raie dort encore), et là… qui voilà? Une petite raie manta toute guillerette, qui longe les tombants de la baie. Je la suis en direction du bateau, tentant par tous les moyens de communiquer aux occupants de Fakarever et de Lotus de revenir. Ils finissent par avoir le message, et nous partageons une magnifique baignade en compagnie de cette jeune raie pas du tout farouche, qui nous gratifie de saltos arrière et de nages sur le dos, sous nos yeux ébahis et admiratifs. Elle sait qu’elle est belle, et montre toute l’étendue de son talent à un public complètement conquis. Elle nous laisse la rattraper, et je vis ce moment merveilleux de nager à la hauteur de ses yeux, côte à côte, puis légèrement au-dessus d’elle, de ses ailes, me sentant acceptée par ce magnifique animal sauvage.

Déjeuner chez nous avec Lotus pour partager nos émotions et nos films, je récupère notamment les magnifiques vues le la raie depuis le drone, et je termine le film, obligée avec un pincement de coeur de supprimer les vues des tortues pour qu’il ne soit pas trop long… Pour me faire pardonner, quelques photos de ces vénérables, et promis, je leur consacrerai une prochaine vidéo!

p.s: attention, certaines images peuvent heurter la sensibilité, et vous donner envie de vous désabonner de ce blog, la vue de ces gros poissons suscitant une jalousie incontrôlable. Je comprendrai, j’aurais fait pareil ^^…

Vidéo un peu plus longue, mais j’ai eu du mal à couper…