Le blog de notre année sabbatique en famille sur un voilier en Polynésie

Tahiti

Nana Fenua

Ultimes jours dans le Pacifique, dernières heures tropicales, moments finaux de notre année sabbatique (ou « sympatique » selon Cécilie)… Make them count !

Déjà, on se repose… Nous sommes tous bien fatigués de ces semaines aux Marquises, intenses en rencontres, visites, expériences, randos… Nous avons loué un appartement pour la semaine à Punaauia, banlieue sud de Papeete, à 5mn de la plage et avec une piscine dans la résidence… Nous alternons donc grasse mat’, baignades, siestes, et passages à l’hôpital de Papeete : un petit troisième s’est invité pendant le voyage, une première échographie a été réalisée à Nuku Hiva, et la gynéco rencontrée là-bas souhaitait en faire une deuxième avec un appareil plus puissant… Et tout va bien !

Mercredi 8 juillet, j’ai réservé des places pour le Heiva des écoles ; le mois de juillet est normalement rythmé par les différentes manifestations du Heiva (qui veut dire juillet en tahitien), moment privilégié de l’année où toutes les troupes de danse de Ori Tahiti se réunissent pour deux grandes semaines de représentations et de compétitions. Les deux semaines précédentes, ce sont les écoles de danse qui font le show ! La pandémie a là encore fait des siennes, et empêcher les troupes professionnelles de répéter convenablement, annulant ce grand évènement que beaucoup attendent avec impatience. Les écoles ont décidé pour leur part de maintenir leur quinzaine, l’enjeu étant moins important (il n’y a pas de compétition), pour notre plus grand bonheur !

Autour de la Maison de la Culture à Papeete, où ont lieu les spectacles, s’est installé un village d’artisans, qui proposent tous les après-midi des démonstrations et des ateliers. Nous nous sommes inscrites à un atelier de confection de serre-tête végétal, puis à un atelier de tressage de feuilles de pandanus, pendant que Vincent se lancera dans la sculpture sur bois.

C’est Tumata qui nous initie à l’assemblage de feuillages et de fleurs ; ancienne championne d’Ori Tahiti (elle avait terminé 2ème dans la catégorie soliste il y a quelques années), elle a aujourd’hui une école de danse et est spécialiste des costumes végétaux ! Avec beaucoup de gentillesse et de pédagogie elle nous accompagne dans notre création, nous donnant quelques trucs (des cure-dents dans les fleurs de frangipaniers pour les insérer à la composition), nous sommes fières du résultat !

Vincent s’applique de son côté, dessinant d’abord ses motifs au crayon de papier, puis évidant le bois avec différents ciseaux.

Dernier atelier, tressage de panier : notre artisane est au départ sceptique sur la capacité d’Agathe à tresser ses palmes, mais elle est très vite impressionnée par son application et sa dextérité – elle m’épate aussi, retenant tout de suite quel brin va au-dessus, en-dessous, elle est rapidement autonome… Un beau moment d’échange et de partage, nous étions toutes les trois émues en nous séparant !

Vite vite c’est l’heure du spectacle ! Zut, il faut des masques pour entrer dans la salle – heureusement une couturière en vend sur un des stands d’artisans, on s’installe, et on en prend plein les yeux ! Il y a tous les âges, avec des petites danseuses de 4 ans qui se lancent dans les otea déchaînés, des femmes plus mûres dans des aparimas langoureux, notre petite formation à Fakarava nous permet d’apprécier les techniques et les chorégraphies !

Le lendemain, petite excursion sur la côte nord de Tahiti pour admirer le « trou du souffleur »; nous pensions voir des geysers d’eau sortir de terre, comme dans Vaiana, mais c’est finalement tout aussi impressionnant : une eau sous pression sort avec un bruit énorme d’un trou dans la falaise, sans vraiment prévenir, faisant sursauter les filles presqu’à tous les coups !

Nous nous arrêtons à l’atelier Prokop, qui taille, façonne et grave des nacres. C’est Elodie, copine de Lotus, qui nous l’a conseillé: leurs nacres sont magnifiques, et l’accueil est très sympa! La boutique est effectivement impressionnante, avec des gravures très fines et des nacres de belles qualités (je complète mon stock de pendentifs divers), et nous sommes très bien reçus à l’atelier: on nous fait la démonstration des différentes étapes, du ponçage de la coquille brute jusqu’à son gravage. Les artisans gravent également les perles, travail ultra précis et minutieux… Les filles repartent avec des pendentifs en cadeau, maururu!

Nous déjeunons au marché de Papeete, en faisant un dernier tour des boutiques de souvenirs, repérant là des pierres fleuries, ici des tortues en bois, des conques, des tiki en os… On retrouve tout l’artisanat des Marquises et celui des Tuamotus, un petit condensé de notre voyage !

Nous passons à la marina, Fakarêver est parti en week-end à Moorea, mais nous revoyons Apolline, notre voisine de port, et l’équipage de « C’est si bon », en vacances à Papeete ! Dernier tour sur les pontons, dernier passage à la librairie pour les derniers cadeaux, et nous disons au revoir à Papeete.

Les derniers jours s’écoulent paisiblement : plage, piscine, bagages… Pesée des sacs, réorganisation pour ne pas dépasser le palier des 23kg…

Et c’est le départ ! Tout rentre dans notre Logan de location, puis sur deux chariots, et c’est parti pour l’enregistrement… très long… On met les masques, des chirurgicaux, obligatoires pendant tout le vol. On attache nos ceintures, les filles regardent la Reine des Neiges 1, puis le décollage de nuit… la Polynésie c’est fini !

Escale à Vancouver, pas besoin de récupérer nos bagages ni de passer la douane, nous patientons dans une salle aux grandes baies vitrées donnant sur les montagnes enneigées. Les filles jouent avec le chat d’une ado qui voyage seule pour faire sa rentrée au lycée à Montpellier, et qui habitait elle aussi sur un voilier, à la marina de Taina ! Nous nous souvenons même l’avoir vu passer avec son chat en laisse il y a deux mois, lorsque nous dégustions une pizzeria à la Casa Bianca…

Arrivée matinale le 14 juillet à Paris ; nous récupérons une voiture de location, nos huit bagages rentrent large ; le périph est désert, petite halte chez mamie, bien contente de revoir ses petites navigatrices !

Dernier arrêt : Montbonnot… les montagnes se rapprochent, la vue est toujours aussi splendide quand on arrive de Lyon… La maison est bien là, les copains aussi, c’est parti pour un nouveau chapitre de notre vie…

Merci de nous avoir suivi toute cette année ! On a parfois l’impression de n’être jamais parti, tout est pareil tout en étant différent – les masques et la « distanciation sociale » ont pris soudain tout leur sens… Nous reprenons doucement notre rythme (difficile quand il fait nuit à 22h30) nous retrouvons nos marques, et on se repose… oui, c’était fatigant cette année de vacances !

A bientôt dans la vraie vie !

Marquises

Ua Pou, Piliers des Marquises

Nous avions beaucoup hésité : on fait une troisième île ? Ua Pou ou Ua Huka ? Ces deux petites voisines de Nuku Hiva sont toutes les deux desservies par une « navette maritime », toutes les deux proposent des environnements très différents, une atmosphère à part… Nous finissons par opter pour les pics de Ua Pou, tant pis pour les paysages lunaires de Ua Huka…

De loin on croirait apercevoir la Sagrada Familia de Barcelone, avec des pointes toutes plus vertigineuses les unes que les autres : ces pitons basaltiques d’origine volcanique ont la forme de pain de sucre, et s’élèvent en ligne au travers de l’île. De nombreuses légendes courent sur le mont Poumaka et le Mont Oave, les points culminants, et qui ont donné son nom à l’île : les deux piliers !

Nous y débarquons mercredi 1er juillet, un peu secoués, accueilli par notre hôte et guide de ces prochains jours. Ancien militaire, il a épousé une française originaire de Ua Pou, dont les parents tenaient une pension. Retour aux sources pour elle, coup de foudre culturel pour lui, Jérôme s’est énormément documenté sur la culture et l’histoire de son île, et nous abreuve d’une foule d’informations et d’anecdotes au cours de ces deux jours – il serait d’ailleurs outré de mon épithète « basaltique » pour les pitons, c’est beaucoup plus complexe que ça d’un point de vue géologique, mais je n’ai jamais été très calée en SVT ^^ …

Notre première matinée d’excursion est assez pluvieuse ; nous assistons à l’arrivée de l’Aranui, au quai à Nuku Hiva la veille (si j’avais su j’aurais demandé mon passage, ç’aurait été plus calme), récupérons deux plaisanciers ancrés dans la baie Hakahau, et partons à la découverte de l’île. Une de ses curiosités est la « pierre fleurie », une roche volcanique que l’on ne trouve que dans deux endroits au monde : « il s’agit de phonolithes dont la cristallisation prend la forme de couleurs ambrée ou verdâtre » (Lonely Planet p. 272). Ce phénomène géologique a été découvert il y a seulement une quarantaine d’année par des spécialistes, il faut en effet que la pierre soit polie pour que les dessins apparaissent ; quelques artisans locaux se sont mis à la travailler, et elle a aujourd’hui beaucoup de succès à travers la Polynésie ! Nous rendons visite à un sculpteur, malheureusement absent de chez lui pour cause d’Aranui, mais notre guide peut nous expliquer le processus et nous montrer les énormes blocs à découper.

Nous faisons un tour sur la plage de Hohoi, pleine de galets et frappée par de belles vagues, pour admirer un des plus vieux de tiki de l’île, et chercher quelques pierres fleuries sauvages…

Le dernier festival des Marquises a eu lieu en décembre 2019 à Ua Pou, nous nous rendons sur le site construit pour l’occasion, et abrités de la pluie sous une des structures, nous écoutons Jérôme nous raconter l’origine de ce festival, les échanges culturels qui s’y font, les légendes liés aux différents tikis représentés…

Nous faisons un tour à midi au centre artisanal de Hakahau, craquons pour des petites tortues en pierres fleuries, puis déjeunons à un snack au pied de notre pension.

Sieste l’après-midi, ping-pong pour les filles avec le garçon de nos hôtes ; le temps n’est toujours pas terrible, il est prévu le même pour le lendemain, je ne dors pas très bien au son de la tempête qui sévit toute la nuit… Je me remets à peine de mon mal de mer, et le retour ne s’annonce pas terrible…

Vendredi, au petit déjeuner, point sur la météo : on annule la rando prévue, le terrain est trop boueux après les pluies de cette nuit ; on attend un peu l’évolution des nuages, et soudain les pics se dévoilent : il commence à faire beau ! Jérôme nous improvise une nouvelle journée d’excursion, et c’est le bonheur : le ciel est parfaitement dégagé, les vues sur les pitons sont splendides, nous nous régalons le long de la route côtière. Les paysages sont dans un premier temps complètement désertiques, avec quelques chevaux broutant une herbe fantomatique et des cochons qui se roulent dans la poussière ; nous croisons la piste de l’aéroport, réputée comme la plus difficile de Polynésie ; nous passons devant la baie des requins (et des nonos), que nous nous contentons de prendre en photo de loin…

Premier arrêt : la chocolaterie ! Ça tombe bien, les filles écoutent en boucle l’histoire de Charlie et de Willie Wonka, on a revu le film récemment et Cécilie en est au chapitre 15, on est avide de cacao ! Il s’agit du domaine d’un Allemand réputé un peu original (jusque là, c’est cohérent avec le film), qui a acheté il y a 30 ans un flanc de colline plein de cocotier, a tout défriché et a planté des caféiers, des cacaotiers, des citronniers, pamplemousses… Il fabrique son propre chocolat depuis cinq ans, avec des fèves locales et bio, et sa réputation monte dans les archipels, puisqu’il est même distribué à Papeete. Pour mettre les filles au comble du bonheur, sa propriété est plein de chats, de poussins, de gentils chiens tout doux… et en plus on repart avec du chocolat, que demander de plus ?

Un bon déjeuner ! Nous sommes accueillis à Hakahetau chez Piero, malheureusement à Tahiti lors de notre venue, mais sa femme adorable nous prépare un trio de thon -cru, fumé et cuit- accompagné de poé de banane, de patates douces, de frites de Uru… quel délice…

Et pour terminer cette belle journée, petite baignade à la cascade ! Un petit quart d’heure de marche dans la forêt, et nous nous rafraîchissons avec délice dans son eau fraîche (25°C, on s’y fait ^^) …

Retour par la côte dans une magnifique lumière, on ne se lasse pas de ces pains de sucre vertigineux…

Dernier arrêt: chez un sculpteur de bois! C’est un ami de Jérôme, et est réputé dans toute la Polynésie; il vend aux galeries d’artisanats et aux hôtels de magnifiques pièces: hameçons, tikis, baleines, les motifs et décorations sont splendides. Nous passons une bonne heure avec lui, il nous explique comment il choisit le morceau de bois auquel il donnera vie, ses motifs préférés… Nous sommes comblés, et repartons avec une magnifique baleine – coup de chance pour nous, il n’y a pas de sculptures d’habitude à vendre, mais avec le Covid, il reste du stock refusé par les galeristes…

Nouvelle baignade dans la piscine de la pension pour les filles, j’affronte le fils de nos hôtes au ping-pong (en lui donnant quelques trucs pour perfectionner son service), puis dîner et bagages : départ demain à 5h pour la navigation retour vers Nuku Hiva…

Cette fois, on s’installe du bon côté du bateau (celui sans fuites) ; nous sommes plus nombreux qu’à aller, avec même deux petits bichons trop mignons. Je tente la position couchée sur le côté, retrouve mon seau préféré, puis parviens à m’allonger sur le dos, et la dernière heure est plus tenable…

Nous débarquons à 9h, et notre hôte pour la nuit nous attend au quai : Alvane accueille une famille pour une semaine, nous irons donc chez Mave Mai jusqu’à demain, date de notre retour à Papeete. Nous déjeunons avec nos amis belges, croisés à Fakarava en décembre, et qui sont aux Marquises depuis le mois d’avril. Ils étaient à Ua Pou quand nous étions à Nuku Hiva, puis ont traversé dans l’autre sens quand nous arrivions, bref nous réussissons à partager une barquette de frites et prendre des nouvelles fraîches ! Ils retourneront en Belgique au mois de septembre, et poursuivent encore un an leurs aventures dans le Pacifique… Après, ils verront…

Sieste pour les Michau (oui, on s’est levé tôt) puis soirée pizza avec nos Parisiens préférés ! Ils prennent l’avion lundi pour Hiva Oa, nous leur avons donné l’adresse de notre super chalet et de nos guides…

Dimanche 5 juillet, dernier petit déjeuner marquisien face à la baie, avec fruits frais et citronnade, et nous échangeons avec les autres pensionnaires, parmi lesquels se trouve le pilote du fameux hélicoptère, livré il y a quelques jours ! Il nous invite à passer voir son engin volant dans la matinée, et comme Vincent et les filles ont prévu de faire un tour sur le chemin de la Sentinelle, qui passe devant le hangar, ils ont le droit d’essayer le siège du pilote avec le casque qui va avec !

Puis c’est le retour à la capitale (avec un avion parfaitement à l’heure)… Plus qu’une semaine, on arrive au bout…

Vidéo de notre séjour à Ua Pou
Marquises

Nuku Hiva, “la crête des falaises”

Mercredi 24 juin, c’est avec quelques heures de retard (un peu comme cet article…) que nous atterrissons sur cette nouvelle île, mais cette fois encore l’atterrissage est splendide : les terres qui entourent l’aéroport sont quasiment désertiques, rouges et ocre recouvertes d’une végétation très clairsemée. Alvane, notre hôte pour la semaine, nous accueille avec de belles couronnes de fleurs, le climat ne doit donc pas être si sec que cela…

La ville principale, Taiohae, est de l’autre côté de Nuku Hiva, il faut donc traverser complètement l’île pour l’atteindre, soit un voyage d’1h30 sur une magnifique route goudronnée – contre 4h30 jusqu’au début des années 2000, quand la route était encore une piste qui longeait la côte. Nous en prenons plein la vue : après les terres désertique,s nous nous arrêtons au bord d’un énorme canyon qui se jette dans la mer, puis au bout de quelques lacets nous atteignons le col qui nous dévoile tout le sud de l’île, avec même une vue sur Ua Pou et Ua Huka, les deux petites voisines. Nous sommes à 1000m d’altitude, et nous retrouvons avec bonheur l’air montagnard, sec et frais ; le plateau qui s’étale à nos pieds est recouvert de pins, forêts trouées de pâturages bien verts, on se croirait dans le Jura ! Les paysages sont cette fois-ci très humides, les nuages restant souvent coincés par le mont Tekao qui culmine à 1224m. Mais comme il y a moins de soleil, les plantations se font tout de même sur le côté nord, avec l’eau captée au sud.

La descente sur la baie de Taiohae est splendide dans la lumière de fin de journée ; Claudine nous accueille à la pension, dont elle a refait la déco pendant le confinement : de beaux tissus habillent les murs et le balcon, un petit coin salon / lecture attend les filles avec des livres, la terrasse offre une vue magnifique sur la baie, on va être bien ! Les filles ont même une copine : Cécile (Tehia de son nom polynésien), 6 ans, les rejoint rapidement dans leurs histoires de dragons et de souris…

Nous faisons un tour sur le bord de mer, en comptant les nombreux voiliers au mouillage. Durant le confinement, nous avions eu quelques échos des conditions de mouillage et d’accueil dans cette très grande baie, assez protégée des vent mais aussi remuante à cause de la houle du sud, obligeant les bateaux à poser une ancre arrière pour plus de stabilité. L’accueil des habitants avait été assez tendu dans les premiers temps du confinement, les plaisanciers ne pouvaient pas descendre à terre, mais très vite une solidarité s’était mise en place, avec notamment des colis de fruits frais offerts par les villageois. Il y a eu jusqu’à une centaine de bateaux ancrés dans la baie: ceux qui avaient commencé leur traversée du Pacifique avant le confinement faisant une première escale à Nuku Hiva. Ils ne sont plus aujourd’hui qu’une quarantaine, des nouveaux arrivants en provenance de Panama, mais aussi des quasi-résidents, travaillant depuis quelques mois ou quelques années aux Marquises. Nous croisons quelques annexes avec des petites têtes blondes, cela nous fait tout drôle d’être « de l’autre côté » !

Vendredi, nous louons une voiture pour explorer l’île, et tentons une belle randonnée sur le plateau de Toovii, notre Jura marquisien. Le temps est menaçant, il paraît que « ça va s’éclaircir là-haut » ; nous trouvons le début du chemin, très accueillant avec un beau panneau indiquant le parcours et les différentes espèces endémiques à guetter. Le terrain est boueux – c’est là que les nuages restent accrochés – et j’ai à peine le temps de commencer à filmer que Cécilie fait un plongeon dans une énorme flaque. On essuie comme on peut, on continue quand même, mais on se croirait de plus en plus au milieu de la lande bretonne, tant par le vent que par le crachin, nous rebroussons chemin. Nous prenons la route splendide qui mène vers l’aéroport, cherchant un coin plus sec, et finalement pique niquons devant l’immense canyon aperçu à notre arrivée. Ici le temps est au beau fixe, on regarde les chèvres s’ébattre sur les pentes à pic, le pied toujours aussi sûr.

En fin d’après-midi, grand évènement : le président de la Polynésie Française arrive ! Nous l’avons loupé à Hiva Oa, cette fois-ci nous serons là ! Il n’y aura pas quatre jours de festivités comme prévus sur l’île précédente, mais Claudine, qui travaille à la mairie, nous dit que quelques danses traditionnelles seront au programme. Nous assistons à l’accueil de la délégation par les enfants des écoles, pas aussi nombreux qu’à Atuoana mais aussi émouvants, puis à des discours… et des discours… Alvane, notre hôte, nous attend dans la voiture, nous le rejoignons assez rapidement, mais Claudine nous rappelle au bout de 30 minutes, les danses vont commencer ! Nous arrivons à un moment historique : le président annonce le retour d’un hélicoptère à Nuku Hiva pour les évacuations sanitaires ! Retiré depuis 2007 pour des problèmes de rentabilité, de nombreux accidents sont devenus mortels faute d’une évacuation rapide vers l’hôpital de Taiohae ou à Papeete, le dernier en date étant la mort d’un nourrisson de Ua Pou en janvier, qui avait dû être évacué en bateau- 3 heures de mer… Les habitants sont donc extrêmement soulagés de la présence de cet hélicoptère, attendu depuis bien longtemps !

arrivée de l’hélicoptère par l’Aranui quelques jours plus tard

Enfin, les danses : dix minutes de Haka marquisiens, très impressionnant… on est loin des jolies vahines polynésiennes, mais on a autant de frissons !

Samedi 27, nous partons dans la vallée d’Hakaui pour admirer l’immense cascade de Vaipo ; l’excursion commence en bateau pour rejoindre la baie, puis à pied le long d’une ancienne route royale qui reliait le village au nord de l’île. Au milieu de la forêt surgissent des amas de pierres en parfait état, permettant de surélever le chemin lors des crues de la rivière, signes de grands travaux entrepris il y a plusieurs siècles, bien avant l’arrivée des Européens. Notre guide sympathique nous emmène au pied de falaises gigantesques, et nous pointe du doigt des petites taches blanches en plein milieu de ces immenses surfaces rocheuses : ce sont des pirogues-sarcophages, en bois imputrescible, des anciens chefs de la vallées. Ils veillent sur leurs sujets, à la vue de tous, mais pas à la portée du premier venu, puisqu’il n’y a plus de chemin qui conduisent aux grottes (pour rester tranquille!). Des archéologues sont venus il y a quelques années avec un drone pour confirmer ce que tout le monde se racontait, mais pour le moment personne ne compte aller les chercher… Les Marquisiens n’enterraient pas leurs morts, puisque les âmes devaient rejoindre Hawaiki, la terre mythique, via la mer. Les corps étaient séchés sur des plateformes, au grand dam des missionnaires, qui ont tôt fait d’enterrer tout ça, en créant des cimetières sur les anciennes zones des morts…

Sur le chemin du retour nous faisons trempette dans la rivière, délicieusement fraîche et agréablement non salée, et puis déjeunons chez la cousine de la guide, qui nous a préparé notamment des « chevrettes », des petites écrevisses de la rivière ! Son jardin est magnifique, on trouve des dizaines de légumes et de fruits différents, des aubergines à la canne à sucre en passant par l’ananas et le uru. Il n’y a plus aujourd’hui qu’une vingtaine d’habitants permanents dans ce petit village luxuriant, mais beaucoup d’habitants de Taiohae viennent y passer les week-ends et les vacances.

Autre belle rencontre de cette excursion : une famille de touristes ! Nous les avions aperçus dans l’avion de Nuku Hiva (il y a – bizarrement avec les avions coupés – très peu de touristes français avec des enfants en ce moment), et sommes très heureux de pouvoir faire plus amplement connaissance : Paul-Louis et Séverine sont originaires de Paris, et avaient prévu de prendre six mois de congé pour faire le tour du monde avec leurs trois enfants, Brieuc, Elise et Martin, à partir de … fin mars. Les billets étaient évidemment pris, première étape en Amérique du Sud, mais les évènements s’accélérant, leur projet semblait prendre l’eau ; ils prirent finalement un avion pour la Polynésie à quelques jours du confinement, et se retrouvèrent « coincés » à Moorea, au milieu des ananas et des cocotiers. Le déconfinement enfin annoncé, le monde est désormais fermé, la famille décide de passer ses quelques mois restants dans les archipels Polynésiens, au lieu des quelques jours prévus à l’origine dans leur planning de globe-trotteurs. Ils découvrent ainsi Bora Bora dans des conditions idylliques, seuls au monde, puis Rangiroa, et maintenant les Marquises, avant d’aller jusqu’aux Australes ! Les filles sont ravies de rencontrer d’autres voyageurs, et nous décidons de nous retrouver pour d’autres promenades dans la semaine qui viennent !

Hé, mais c’est mon anniversaire ! Et, chose folle, c’est aussi celui de la petite copine du fils de nos hôtes, qui arrivent justement aujourd’hui de Papeete pour passer quelques semaines au vert… Nous fêtons donc ces évènements à la pension avec deux beaux gâteaux, supervisés par Agathe et Cécilie (elles s’étaient assurées qu’il y en ait un le soir, et étaient toutes étonnées quand Claudine leur a confié ne pas savoir faire de gâteau… Elle qui cuisine si bien, alors que même leur maman sait faire un gâteau au chocolat ^^ … Mais une voisine s’est chargée de l’affaire, soulagement…) ; j’ai eu droit à une belle couronne, et une soirée unique !

Dimanche, nous allons à la messe dans la cathédrale de Taiohae, toute de noir vêtue, peuplée de paroissiens tout en blanc. Il y a deux baptêmes, nous avons droit à la « version longue » de la liturgie selon Claudine, très différente des cérémonies de Fakarava, mais les chants polyphoniques sont tout aussi beaux !

Nous croisons nos nouveaux amis parisiens, et nous donnons rendez-vous l’après-midi pour une petite balade jusqu’à la baie Colette, de l’autre côté de la baie de Taiohae. C’est chouette de se promener entre copains ! Bon, Cécilie s’étale à nouveau en fin de parcours – je ne suis pas toute seule à être fatiguée par la fin de ce voyage – et cette fois ce sont des cailloux au lieu d’une flaque qui la réceptionnent, la privant de baignade à l’arrivée, mais les grands s’en donnent à cœur joie dans les vagues de la baie ! Quelques nonos tentent leur chance, mais nous sommes toujours protégés par notre huile de monoï à la citronnelle, impénétrable….

Lundi, Alvane nous emmène au Nord-Est de l’île, en faisant des haltes culturelles : nous retrouvons un grand site créé récemment pour l’accueil du festival des Marquises, avec Tiki et poteaux sculptés ; nous pique-niquons à Hatiheu, au pavage peuplé de croix et tortues marquisiennes ; puis nous rejoignons par un magnifique sentier la baie d’Anaho, « la plus belle plage des Marquises » (oui, encore). Effectivement, après 35 minutes de grimpette au milieu des pandanus et manguiers sauvages, la vue est splendide : un nuancier de bleus est serti par des plages jaunes et des falaises rouges, entourées elles-mêmes par des cocotiers d’un côté et une flore quasiment méridionales de l’autre. Nous croisons en descendant des chevaux chargés de citrons verts, nous cueillons quelques goyaves sauvages, puis plongeons dans cette mer tropicale, plus paumotu que marquisienne ! Les filles font la chasse aux crabes, on croise Martin et Brieuc qui se sont fait des copains-bateaux (quelques voiliers sont ancrés dans ce coin de paradis), pendant que leurs parents sont en snorkeling.

De retour à la voiture, Alvane nous emmène sur les magnifiques sites archéologiques de Kamuihei, Tahakia et Teiipoka, entourés de superbes banians, et au milieu de cette ambiance magique, notre guide nous offre la « danse du cochon », « Pua Haka » ! C’est intense et déroutant, le site prend vie, le « mana », l’esprit de la terre des hommes (Fenua Enata) est toujours présent aux Marquises…

Mardi, dernier jour complet à Nuku Hiva, nous retentons le plateau de Toovii ! Il fait beau, j’ai pris des vêtements de rechange pour Cécilie, on y croit ! Les copains nous accompagnent, et c’est une journée magnifique : les paysages se suivent et ne se ressemblent pas, tantôt désertiques avec quelques arbres tordus et moussus, battus par les vents, au milieu de collines pentues et herbeuses, et tout à coup une forêt de manguiers, au feuillage épais et sombre, « la forêt magique !! » pour Agathe et Elise, qui font tout le trajet aller en courant et en chantant. Des points de vue stupéfiants se dégagent sur les côtes nord ; nous abordons la dernière étape au milieu des pandanus, et tout au bout nous attendent des ouvriers, en train de construire une tonnelle pour accueillir les courageux randonneurs ! Nous dévorons nos sandwichs face à un panorama incroyable, et au son des chansons remixées à la polynésienne, grande spécialité des radio locales (Céline Dion remasterisée reggae, ça vaut le coup).

Mercredi, nous partons pour Ua Pou ! Valises, derniers jeux avec Cécile; Alvarina, l’ado de 14 ans, nous offre de très belles couronnes de fleurs, et nous retrouvons nos amis au snack du port, en attendant le départ du bateau de Patricia ! Les liaisons aériennes entre Nuku Hiva et Ua Pou n’ont pas encore repris, il y a une liaison maritime quotidienne proposée par Patricia et sa famille, qui s’occupe aussi des Evasan (évacuation sanitaire) et du courrier. C’est un bonitier, un petit bateau local. La mer a l’air plutôt belle, on aperçoit Ua Pou, au loin, ça devrait aller vite ! Nous attendons les passagers de l’avion en provenant de Tahiti, puis c’est parti… et ça dure… beaucoup trop longtemps… deux terribles heures, dans un genre de machine à laver folle: nous sommes secoués dans tous les sens, mouillés par endroits (il faudra revoir l’imperméabilisation des vitres), le petit seau noir mis à disposition devient mon meilleur ami ( de même que le fils de la capitaine, qui le vide régulièrement). Je suis la seule dans cet état, les autres passagers semblent avoir développé différentes techniques, il faudra que je les teste au retour… Dans trois jours…

Vidéo de notre séjour à Nuku Hiva
Marquises

Enfin les Marquises!

Enfin, on y va! C’était toujours notre prochaine étape, en janvier, en février, en mars, mais entre les problèmes techniques et le confinement, le temps nous a finalement manqué pour rendre visite à ce troisième archipel. Du moins en bateau! Nous avons guetté avec anxiété la réouverture progressive des voyages inter-îles et des liaisons proposées par Air Tahiti, qui ne semblait remettre en route ses lignes qu’au compte-gouttes. Mais ça s’est fait: nous avons pris nos billets d’avion pour les Marquises! Entre deux chantiers et sacs à préparer, Vincent a passé quelques heures à l’agence d’Air Tahiti de Papeete pour acquérir une « carte famille », sésame pour obtenir des tarifs raisonnables, et pour réserver des vols vers Nuku Hiva et Hiva Oa – seules îles marquisiennes pour le moment à recevoir des avions. Je trouve des adresses pour nous accueillir ces vingt prochains jours, recevant des mails sympathiques avec remises exceptionnelles pour la reprise du tourisme et promesses de belles excusions!


C’est donc avec enthousiasme que nous quittons finalement Fakarêver mardi 16 juin: nous partons en vacances! Nous avons vraiment cette impression après cette dernière semaine pas très fun à ranger et récurer, et c’est la première fois depuis plusieurs mois qu’on s’embarque vers une destination sans regarder cinquante fois la force et la direction du vent… Première étape: une nuit à l’hôtel de l’aéroport, dont la réceptionniste est de Nuku Huva et la nièce de nos futurs hôtes… Elle nous raconte son parcours sur différentes îles – Tahaa, Raiatea, puis Tahiti – en nous précisant qu’elle est vraiment « fiu » de Papeete, de son bruit et de ses embouteillages, et qu’elle n’a qu’une hâte, retourner aux Marquises!
L’avion décolle à 8h30 le lendemain, nous nous présentons à l’enregistrement de bonne heure et sommes surpris par la taille de la file, qui n’avance pas bien vite- mais rapidement on appelle les « passagers pour les Marquises! – C’est nous!! », je ne suis pas toute seule à me dire que ça fera juste…
Passage de la sécurité, et retour à la réalité du reste du monde: on met nos masques! Obligatoire dans la zone d’embarquement et dans les avions, nous ressortons ceux que nous avions achetés deux mois plus tôt, plus pour comme souvenir que pensant vraiment nous en servir…

Décollage (avec du retard, mais c’est assez habituel sous ces latitudes), et nous admirons de haut notre mouillage de confinement, avec ses centaines de mètres de coraux qui forment la barrière jusqu’à la pleine mer. C’est aussi joli vu du ciel que sous l’eau!


L’archipel des Marquises est au Nord-Est de l’archipel des îles de la Société, ce qui rend son accessibilité aussi difficile en bateau, le vent étant le plus souvent Est / Sud-Est, mais ce qui nous permet de survoler les Tuamotus! Des formes ovales, encerclant des auréoles turquoises, alternant les taches jaunes et vertes en fonction de la végétation et du sable, là encore on se régale autant en les survolant qu’en y naviguant – sans avoir à guetter les patates de corail, c’est quand même bien pratique l’avion…

L’arrivée à Hiva Oa, première île de notre séjour marquisien, est fantastique: l’île se dresse soudain de chaque côté de nous, et notre appareil semble s’enfoncer au milieu des montagnes sauvages. La piste d’atterrissage est à 420m, nous avons vraiment l’impression de nous poser au coeur de l’île! Un minuscule et coquet aéroport nous attend, ainsi que Tematai, notre guide, avec de jolis colliers en graines pour nous accueillir, spécialité des Marquises!

Le trajet jusqu’à Atuona, la ville principale, ne dure que 20mn, nous avons le temps d’admirer la magnifique route goudronnée, qui ne semble pas être la norme sur le reste de l’île d’après notre chauffeur. Il nous dépose une petite heure à notre chalet, d’où nous avons une vue splendide sur la baie et les pics environnants, puis revient nous chercher pour que nous puissions passer la fin de journée à Atuona: c’est mercredi, la petite médiathèque du village, située juste à côté du centre artisanal, bourdonne d’activités! Nous y faisons un tour, et les filles s’insèrent rapidement dans un atelier qui prépare des jolies cartes pour la fête des pères; je prends une inscription qui nous permet d’emprunter quelques livres pour la semaine – Agathe est devenue fan de la série « la cabane magique », Cécilie a trouvé une histoire de Maui, et un petit livre propose une entrée dans la peinture de Gauguin, ce qui va nous permettre de préparer la visite au centre culturel dédié au peintre qui a terminé sa vie sur l’île!

Pendant que les filles créent et colorient, Vincent et moi découvrons l’artisanat marquisien: tikis et tortues en bois, coco sculptées, noix de Tamanus peintes et colliers de graines, nous craquons pour de magnifiques tapas: des peintures sur écorces, spécialité de Fatu Hiva, un île un peu au sud de Hiva Oa. L’artisane, qui en est originaire, nous parle de son art, qu’elle a appris de sa mère, des terres qu’elles entretiennent avec les différentes essences d’arbres, qui donnent des teintes de papier différentes. On nous a beaucoup parlé de l’artisanat marquisien durant cette année en Polynésie, et le petit aperçu que nous en avons cet après-midi nous promet de belles découvertes!

Les filles ressortent de la médiathèque avec de jolies cartes une barbe à papa, nous nous promenons sur la place principale du village, appelée tohua, entourée de beaux tikis en bois, cadeaux des différentes îles qui ont participé au Festival des Marquises de 2015. Tous les quatre ans a lieu une grande fête qui réunit tous les Marquisiens pour célébrer leur culture et leurs arts: danses, chants, tatouages, cuisines, l’idée est de faire revivre ce qui a bien failli disparaître dans les années 1980, étouffé par les messages des missionnaires et de l’Eglise.

Heureusement, un retour aux sources s’est opéré, avec la bénédiction de l’évêque d’alors, libérant la parole des anciens, permettant aux plus jeunes de se réapproprier leur culture, de réapprendre les chants, les danses, en cherchant dans les archives des premiers explorateurs, des premiers observateurs. Les tatouages ont fait leur réapparition, chaque île, chaque famille retrouvant les marques ancestrales et leurs significations. Ce Festival a permis aux Marquisiens de retrouver une fierté dans leurs origines et leurs traditions, effaçant l’étiquette « sauvages cannibales » qui les a très longtemps maintenus hors de leur histoire.
On trouve sur chaque île une place aménagée spécialement pour ce festival, inspirée des sites archéologiques, avec des plateformes en pierres protégées par des avancées en palmes, et entourées de Tikis sculptés spécialement pour l’occasion, et représentant chacun une île marquisienne.
Nous faisons quelques courses pour les prochains repas – notre chalet a une kitchenette bien pratique, puis nous préparons pour notre première excursion qui aura lieu le lendemain: l’île de Tahuata!

Notre guide s’appelle Pifa, et il nous emmène à Tahuata avec le petit bateau de copains pêcheurs (un poti marara), dans lequel deux bancs en bois ont été posés pour accueillir les touristes. La mer est belle et calme, et en sortant de la baie nous avons la joie d’observer des raies mantas qui tournent près de la surface! C’est une nurserie, des toutes petites raies passent et repassent sous la coque, elles sont une dizaines à folâtrer dans les vagues autour de nous.
Il faut ensuite une bonne heure pour rejoindre l’île, et les paysages qui s’offrent à nous sont une nouvelle fois tout à fait surprenants: de grandes collines rocheuses et dénudées, des grandes étendues de landes désertiques, on pourrait se croire en Ecosse! Quelques chèvres paissent sur les pans escarpés qui se jettent à pic dans la mer agitée; les vagues frappent violemment les rochers, ressortant parfois sous forme de brume sous pression lorsqu’elles ont trouvé leur chemin dans des grottes souterraines… On est bien loin de nos lagons familiers!

Nous descendons jusqu’au village de Hapatoni, petit village de pêcheurs, chasseurs, cultivateurs et artisans: les habitants ont tous une double casquette, et vivent quasiment en autonomie dans leur vallée. Leurs sculptures sur bois sont superbes, depuis la petite tortue jusqu’au casse-tête (arme au nom assez explicite), en passant par la conque finement ciselée et le bateau à deux coques sorti tout droit du film « Vaiana ». Pifa ne tarit d’ailleurs pas d’éloge sur cette oeuvre de Disney, l’ayant vu de nombreuses fois à l’affût des moindres détails dans les costumes et les histoires revisitées…


La grande spécialité du village est cependant la sculpture sur os (chèvre ou boeuf, pas de fémur humain en vue…); un sculpteur est venu de Tahiti sur l’île il y a une vingtaine d’année pour raviver cet art et former les artisans qui le souhaitaient, et qui forment désormais les nouvelles générations.
Nous suivons la route royale, qui joint les deux villages de l’île, avec un arrêt sur un site archéologique, qui prend vie sous les récits de notre guide: les plates formes en pierre sont cette fois des pae pae, des terrasses sur lesquelles étaient construites les habitations, permettant d’être surélevées par rapport au sol. Des familles entières étaient réunies sous le même toit- sachant que celui du chef devait être plus haut que les autres- on peut ainsi estimer le nombre d’habitants aux Marquises à l’époque de l’arrivée des Européens – certains parlent d’une centaine de milliers, en tout cas bien plus nombreux que les quelques 2000 habitants au début du XXème siècle, quand les îles étaient ravagées par les épidémies de rougeoles… Grâce au docteur Louis Rollin, qui a réussi dans les années 1920 par différentes campagnes de vaccinations et des mesures sanitaires à endiguer les maladies, les Marquises se sont lentement repeuplées, même si ses infrastructures ont été jusqu’à récemment très peu développées par rapport au reste des archipels.
Nous continuons notre découverte de Tahuata en nous rendant en bateau au deuxième village, Vaitahu. Le débarquement est épique: il n’y a pas port protégé, le débarcadère est livré aux vagues qui viennent s’y briser, certaines capables de soulever un bateau et le déposer à terre… C’est donc toute une technique: il faut approcher l’embarcation assez prêt du rivage, compter 7 vagues, puis quand l’énorme vague est passée on a une vingtaine de seconde pour débarquer, puis il faut recommencer… Beaucoup de dextérité de de la part du capitaine, et un peu d’agilité de la part des passagers…
Nous déjeunons chez Jimmy, qui nous a préparé de succulents plats polynésiens: poisson cru au lait de coco, poulpe au curry, poe de bananes… Nous nous régalons! Pifa emprunte un ukulele et nous ravit de quelques chants, et accompagne Agathe dans une jolie représentation de la danse apprise avec Diana à Fakarava! Elle épate tout le monde, et profite d’une petite leçon avec la maman de Jimmy qui lui apprend la danse de l’oiseau…

Nous terminons notre escale par la visite de l’église construite dans les années 1980 et financée par le Vatican: elle peut contenir trois fois la population de l’île, et mélange la liturgie chrétienne avec la symbolique marquisienne: une tortue s’est glissée dans le vitrail au dessus de Marie et Jésus – qui tient un uru dans sa main, la croix marquisienne à côté la croix du Christ, c’est une belle oeuvre syncrétique, réalisée par de nombreux sculpteurs marquisiens.

Enfin, après-midi plage: nous nous arrêtons dans la magnifique baie de Iva Iva, plongeons depuis le bateau avec une frite en mousse ( Cécilie lorgnait sur la frite rose depuis le début de la journée, se demandant à quel moment nous allions enfin les utiliser) pour rejoindre une très belle plage de sable blond. Les vagues s’enroulent et se déroulent sur le rivage, emportant nos deux crevettes hilares et les rejetant loin sur la plage, au milieu de leurs éclats de rire. «  Je me suis bien amusée! » a conclu Cécilie après une heure de yoyo dans l’eau, on s’en serait douté ^^…

Le retour en bateau est bien remuant au moment de passer le canal du Bordelais, qui sépare Tahuata de Hiva Oa: l’impression d’être dans une machine à laver, avec les vagues qui heurtent la terre d’un côté et de l’autre, notre pauvre petit bateau au milieu de leurs retrouvailles… Nous accostons trempés, mais ravis de cette belle journée!

Pas d’excursion le lendemain, nous sommes tous bien fatigués; nous profitons de notre beau chalet et des livres empruntés à la médiathèque.

Nous louons une voiture les deux jours suivant pour explorer Hiva Oa: Tout d’abord la côte sud, avec le village de Taaoa, qui abrite une jolie petite église. Très différentes des églises des Tuamotus, décorées de nacres et de coquillages, les églises marquisiennes sont toutes en pierre et bois, avec des chaires magnifiques sculptées et des chemins de croix en bas-relief. Le mur derrière l’autel est composé de gros blocs de pierre, certaines en grès rouge, vestiges recyclés des autels à sacrifice marquisiens…

Un grand site archéologique a été restauré à proximité du village, mais comme il n’y a plus de touristes depuis plusieurs mois, les herbes en ont profité pour pousser, et nous progressons dans un site sauvage au milieu des magnifiques banians (arbres sacrés aux racines impressionnantes), à la recherche d’un tiki caché sur les terrasses un peu en hauteur… Les moustiques ont l’air de s’y plaire, et nous décident à acheter du monoï anti-moustiques à la superette en rentrant au chalet… La vie en bateau nous avait épargné jusqu’à présent ces petits prédateurs, mais nous n’allons pas tarder à faire également connaissance avec les nonos, insectes minuscules habitants des plages qui piquent sans se faire voir mais dont le souvenir peut être tenace, jusqu’à trois jours après leur rencontre….

Première partie, à Hiva Oa (et pas Nuku Hiva comme le dit le titre…)


Nous sommes donc bien équipés dimanche pour nous lancer dans notre première grande randonnée, sur la côté nord de l’île: nous partons du petit village de Hanaiapa pour rejoindre « la plus belle plage des Marquises » (nous allons en croiser quatre répondant à cette description durant notre séjour…) à 2h30 de marche. La balade est splendide, elle suit deux vallons qui encadrent des bras de mer, faisant alterner des chemins au milieu d’une forêt de pandanus (arbres aux racines qui surgissent du sol, formant des petits tipis) et des cols désertiques, à la végétation rare et mâchonnée par des troupeaux de chèvres à moitié sauvages – et qui nous narguent dans les passages difficiles en descendant droit vers la mer, ne s’encombrant pas de lacets ou de sentiers… L’arrivée sur la plage est vertigineuse mais splendide, l’eau est turquoise, la baie est encadrée par des collines à la terre rouge, encore un paysage surprenant et magique. Des vaches paisibles nous accueillent dans la cocoteraie qui longe la plage, et nous nous tartinons de monoï en sortant de notre bain de mer bien mérité. Nous pique-niquons à l’ombre d’un tamanu, en observant les nonos qui s’enlisent dans l’huile qui nous couvre des pieds à la tête, et un requin tout noir qui passent à quelques mètres du bord… Pas sûre que cette plage soit si accueillante finalement… Le chemin du retour est rendu un peu plus rude par la chaleur, même si une brise fraîche souffle de temps en temps, et c’est fourbu mais très fiers que nous croisons Pifa, notre guide Tahuata, à côté de notre voiture à Hanaiapa: il est venu rendre visite à sa famille, et le groupe qui déjeunait à côté de nous sur la plage étaient ses cousins…

Lundi nouvelle excursion, cette fois à Tematai, notre guide du premier jour: direction le Nord-Est de l’île, sur le site archéologique de Puamau. Il faut deux bonnes heures de route pour l’atteindre, car la route bétonnée (déjà bien moins confortable que l’asphalte) fait place à une piste cahotique à souhait, mais splendide: elle longe en surplomb de baies grandioses, au milieu de falaises cramoisies, chaque virage nous offre une nouvelle vue à couper le souffle! Tematai nous parle de la vie quotidienne à Hiva Oa, des travaux de la nouvelle route, nous fait cueillir des goyaves sauvages et des pamplemousses succulents. A Puamau nous rencontrons les plus grands tikis en pierre des Marquises – du moins, les plus grands découverts et mis en valeur; d’après Tematai, il y en a d’autres dans la forêt, que les chasseurs découvrent de temps à autre, mais les propriétaires des terrains (toutes les terres appartiennent à quelqu’un, il n’y a pas de domaines publics) refusent le plus souvent que l’on aille « déranger » les tikis, par crainte d’un mauvais sort. Tematai oeuvre beaucoup pour la valorisation du patrimoine archéologique de l’île, mais il est d’après lui difficile de revenir sur le statut « tabou » de ces sites, donnés par les missionnaires lors de leur arrivée sur l’île. Les tikis, qui sont pour beaucoup des statues d’anciens chefs mis sur les places des villages, sont aujourd’hui craints encore par beaucoup de Marquisiens, et restent seuls au milieu de la végétation. Une nouvelle équipe d’archéologues doit venir à Hiva Oa dans les prochains mois, Tematai est en pleine discussion avec les propriétaires terriens pour permettre le bon déroulement des fouilles, et leur montrer l’intérêt de ces recherches pour la mémoire collective.
Nous avons donc la chance d’admirer notamment le tiki couché, une femme en position « tortue », symbole de fertilité, et d’un immense tiki en pierre, grand chef de la vallée. Hiva Oa a postulé pour être classé comme site protégé par l’UNESCO, les habitants attendent beaucoup de cette nomination, qui devrait leur permettre de développer le tourisme culturel sur leur île.


Pique nique à la plage, avec bain de mer pour les chevaux voisins – de nombreux équidés paissent le long des routes, parfois accompagnés par leur poulain « trop chouchous!! » d’après les filles, puis retour en s’arrêtant au petit village d’Anahi. Nous discutons avec des mamies qui regardent les hommes s’entraîner à la danse du cochon, dont elles nous racontent la légende: le sorcier d’Hiva Oa rendait visite au sorcier de Ua Pou, réputé pour sa puissance; ce dernier rate complètement sa démonstration, et le sorcier d’Hiva Oa fait alors étalage de sa propre puissance: il appelle son cochon, resté sur son île, le plus gros que personne n’ait jamais vu. Le cochon entend son maître, et plonge dans la mer pour le rejoindre; des thons s’accrochent à ses poils en passant, et quand le cochon met le pied sur Ua Pou, il est mis à mort par les habitants qui ont alors de quoi manger pour plusieurs mois… La danse du cochon de Hiva Oa est celle du sorcier qui appelle son cochon, à base de grands cris gutturaux et tapes sur les cuisses…
Toute l’île est en ébullition depuis quelques jours, car jeudi, le président de la Polynésie et plusieurs ministres sont de passage! Tous les villages préparent donc une représentation, et des festivités auront lieu tout le week-end. Nous ne pourrons pas y assister, nous repartons le mercredi, mais nous avons droit aux répétitions!
Le lendemain, nous visitons le centre culturel Gauguin et l’exposition consacrée à Brel, et nous entendons au loin les cris de centaines d’enfants. Cela nous distrait un peu de la contemplation des oeuvres du peintre maudit (toutes des reproductions), même si les filles sont contentes de retrouver les toiles détaillées dans le livre de la médiathèque; l’exposition sur Brel est succincte, le clou étant son avion Jojo au milieu du hangar, mais nous ne sommes pas très familiers de l’univers de Brel, et les chants à l’extérieur se font de plus en plus insistants.


Renseignements pris, ce sont les enfants de toutes les écoles de l’île qui répètent dans le gymnase juste à côté; nous finissons par en trouver l’entrée, et en prenons plein les oreilles: ça chante, ça danse, les hauts tambours résonnent, c’est chouette! Les pauvres instits doivent être bien fatigués, mais les enfants sont très enthousiastes! Nous les retrouvons en début d’après-midi au tohua, la place aux tikis, pour la répétition générale en situation, et nous en avons la chair de poule… ce sera une belle cérémonie!


Petite promenade jusqu’au tiki souriant, lui aussi la statue d’un chef d’une autre vallée, puis nous quittons Hiva Oa pour Nuku Hiva. Cette première semaine marquisienne a tenu toutes ses promesses: paysages sublimes et étonnants, découvertes culturelles et artisanales, Marquisiens adorables et accueillants, nous avons hâte de découvrir la suite!

2ème partie du séjour
Tahiti

Adieu Fakarêver

Fa-karénage

Après avoir profité d’une dernière boucle autour de la presqu’île de Tahiti, il est temps de préparer Fakarêver pour la vente. Nous avions prévu initialement de refaire l’anti-fooling à Apataki, un chantier sur un superbe atoll que nous aurions rejoint sur la route du retour des Marquises. Comme nous sommes restés à Tahiti pour cause de Covid, ce sera finalement au chantier Technimarine de Papeete, capable de faire les thoniers, et même certains bateaux de 300T de la marine française. Une autre dimension!
C’est là que l’on se présente mercredi 27 mai, un peu stressés: le chantier était en retard sur le précédent cata, il n’a pas pu nous sortir la veille comme prévu. Son service commercial étant détestable, il nous demande tout de même de payer l’ensemble du weekend de 3 jours de la Pentecôte si nous n’avons pas terminé vendredi ! Bref, chantier en 48h au lieu de 72? Défi relevé ! C’est avec l’aide d’Alexandre, le futur heureux propriétaire, et de deux équipiers d’un bateau voisin, que l’on a poncé les coques, passé deux couches d’anti-fooling mercredi et jeudi afin de pouvoir remettre Fakarêver sur sangles dès vendredi matin. Troisième couche rapide, retouches aux endroit où le navire était posé sur cales, et après quelques heures de séchage, nous voici prêts à repartir. Leslie, Agathe et Cécilie de leur côté ont pu se poser pendant ces trois jours dans un appartement au centre de Papeete, faire un peu de shopping, de piscine… la prochaine fois j’échange ;o)

La remise à l’eau est assez sportive: 30 noeuds de vent de travers (soit 60km/h), retenu dans la darse seulement par les ouvriers du chantier, il s’agit de ne pas aller râper ce cata tout beau tout propre sur le bord! La grue nous repose dans l’eau, on fait toutes les vérifications: les 2 passes-coques que l’on a aussi fait changer, pas de fuite ailleurs non plus, les moteurs se sont bien réamorcés, ça parait pas mal! Premier Go de la part du chef de l’équipe qui dirige la manoeuvre, et je manque d’emporter un ouvrier qui avait le pied emmêlé dans l’amarre… Heureusement j’ai pu freiner à temps! Le deuxième essai est le bon. Nous retournons nous remettre de nos courbatures et de nos émotions au mouillage de l’aéroport.
Nous le retrouvons bien vide: la moitié des bateaux ont disparu. Au plus fort du confinement il y avait une quarantaine de bateaux ancrés à ce mouillage, certains sont repartis naviguer, mais nous apprenons que d’autres ont été chassés par la capitainerie du port; visiblement il y a eu des quiproquos entre le gouvernement et des autorités locales sur les autorisations de mouillage.
-coup de gueule sur l’absence d’organisation de la Polynésie-
Un nouvel arrêté a été publié la semaine précédente restreignant les zones de mouillage autour de Papeete: des bouées doivent être posées dans le futur (d’ici 1 an ?) pour accueillir les voiliers, mais d’ici là rien n’est prévu pour les plaisanciers (officiellement tout mouillage à l’ancre est interdit dans la zone).. Pourtant les marinas sont pleines et de nombreux bateaux ont été directement redirigés à Papeete comme seule porte d’entrée pendant le covid. Les nouveaux arrivants reçoivent des informations contradictoires de la gendarmerie, des autorités du port, des pêcheurs qui viennent manifester pour récupérer « leur » lagon… La situation est assez tendue en ce moment. Nous décidons malgré tout de rester une nuit avant de repartir pour Raiatea… et de « profiter » de la musique des différents « bateaux boum-boum », plateformes flottantes qui viennent passer la journée sur le lagon avec leurs fêtards…
– fin du coup de gueule 🙂 –

Faukonsolider le mât

On a parlé de Raiatea ? C’est reparti pour les grandes aventures, les belles navigations à travers la Polynésie ? Un petit peu: après différents devis suite aux deux fissures découvertes au niveau des cadènes du mât, nous décidons de faire un A/R express à Raiatea afin de bénéficier à la fois des compétences du chantier local et d’un tarif très raisonnable. On laisse passer la grosse houle dimanche et c’est lundi à la première heure que nous partons au grand largue, génois seul (je mettrais bien le spi, mais avec un mât fissuré, ce n’est pas raisonnable…). Voyage sans encombre, nous avons rapidement la traditionnelle houle croisée polynésienne qui vient tester notre résistance au mal de mer… 75% de réussite, mais je ne dénoncerai pas :o)!
Arrivée mardi 2 juin à midi au mouillage près du Pearl Beach de Tahaa, face à Bora-Bora et près de la rivière de corail. Cela nous rappelle des souvenirs ! Nous allons bien sûr rendre visite aux magnifiques poissons de la rivière de corail, qui s’inquiétaient franchement de ne voir plus personne – le tourisme est au point mort. Nous n’avons pas de friandises prévues pour eux, mais ça ne les empêche de nous accompagner tout le long de cette gentille dérivante.

Bora Bora


Nous y retournons mercredi matin, avant de partir pour un nouveau chantier: celui de Raiatea ! Fred – le gréeur en charge de l’ensemble des opérations – monte à bord nous préparer le navire pour le démâtage, prévu au quai de Marinalu le lendemain.
C’est ainsi que l’on se retrouve avec un motor-boat jeudi matin… ça fait bizarre ! Pendant ce temps, le mât est consolidé et quand on voit la tête des soudures, on se dit que c’est la dernière chose qui restera du mât, c’est du solide !

Remâtage vendredi, recâblage, tests… Tout est bon ? Presque! Une irréductible radio refuse de s’allumer dans le cockpit. Un coup de fil à un ami de Fred nous donne la solution, que tout bon informaticien devrait connaître (oups, je suis rouillé !): arrêter et redémarrer le système! En effet, si la radio n’est pas branchée à l’allumage, elle n’est ensuite pas reconnue. Elémentaire mon cher Watson…
C’est avec soulagement que l’on quitte le chantier vendredi 5 midi: tout s’est bien passé et a été parfaitement exécuté par Fred Hermelin, que l’on recommande vivement !
Réappro en carburant à Uturoa, et à 14h, et nous voilà sortis par la passe de Raiatea: nous visons la petite fenêtre de vent de nord-est qui nous permet de faire plus de la moitié du chemin à la voile: sous la pleine lune et avec une belle moyenne de 8 noeuds, que demander de plus ? Le vent tombe vers 1h et nous finissons au moteur, pour arriver au petit matin à Papeete dans le calme plat. Une belle traversée ! Pas mal de nostalgie de mon côté: c’était la dernière navigation à regarder la lune et les étoiles sous la voile, écouter de la musique, vivre l’instant présent au milieu de nulle part, sans rien avoir à faire, à penser.. juste profiter du moment…
La chance nous a souri une fois de plus: nous avons réussi à éviter le maramu – vent fort du SE de juin à juillet – contre lequel nous aurions dû lutter au moteur (autant dire que ce n’était l’idéal de prévoir un retour depuis Raiatea à cette période là). A la place, un retour à la voile avec un bateau dans lequel on a de nouveau confiance, ça me manquait!

les chantiers en images

Prêts pour la vente ?

Après ce retour et un peu de repos, nous nous préparons à quitter le bateau: tri, vidage de chaque placard, bagages, nettoyage…
Mardi 9 juin, Alexandre me rejoint pour une journée maintenance des moteurs: une bonne aide pour moi et un bon moyen de s’initier à ces moteurs pour lui. Au programme sur chacun des deux moteurs: vidange, changement du filtre à huile, changement du filtre et du pré-filtre à essence, check et changement de l’impeller. De quoi bien s’amuser une journée ! Comme je n’en ai pas eu assez, j’ai terminé par la vidange de la pompe du dessalinisateur à la nuit tombante… Leslie, pendant ce temps là, a assuré en nettoyant toute la coque tribord et préparant le cockpit.

Nous voilà prêts mardi soir pour la vente prévue le lendemain. Vraiment ? C’était sans compter la lenteur administrative de la banque propriétaire de la LOA qui, malgré nos différents emails/coups de fil jusqu’à 1 heure du matin, n’a pas réussi en 10 jours à éditer le contrat de transfert pour les nouveaux propriétaires… Pourtant prévenue début mai, elle nous avait alors dit qu’en 48h tout serait prêt… Le covid les a visiblement complètement désorganisés…

Nous sommes donc coincés, obligés de ré-ouvrir les bagages en attendant ce fameux avenant. Nous trouvons une place au port de Papeete; Leslie et les filles en profitent pour passer à la librairie et aller chez le coiffeur; nous dégustons des croissants le matin, des glaces l’après-midi… il faut bien se consoler !

(Leslie prend le clavier)

Dimanche, nous en profitons pour faire une sortie typiquement tahitienne: une journée à Moorea! Nous prenons un des trois ferrys qui fait l’aller-retour en 20mn – et qui nous font des vagues dans le port et dans la baie de Vaiare :o) -, louons une voiture et rejoignons Anne (une cousine de Vincent) et ses enfants, qui a loué un fare pour le week-end. Activité prévue: accrobranche! Les filles sont ravies. Nous redevenons petit à petit terriens, la transition se fait en douceur… Nous déjeunons dans notre spot préféré, la snack des Tipaniers, et comble du bonheur, la serveuse m’apporte… deux desserts! J’ hésitais entre la tarte au citron meringuée et le fondant au chocolat, la patronne me conseille le fondant, mais c’est la tarte au citron qui m’est présentée:« il n’y a plus de fondant, mais je suis en train de t’en préparer un, donc pour te faire patienter tu peux manger la moitié de la tarte au citron, je la finirai! ». C’est vraiment le paradis terrestre ce restaurant…

Pour le goûter – enfin, pour ceux qui ont encore de la place… – nous rejoignons Yann et Maud sur leur cata « C’est si bon », qui avaient hébergé Vincent il y a pile un an, lors de sa recherche de bateau. Installés à la marina de Moorea, nous échangeons les nouvelles, nous de nos expériences nautiques, eux de la vie sur un voilier à Moorea, des nouveaux vélos retapés et testés sur les belles pistes de terre rouge au milieu des ananas… On a du mal à croire que 12 mois se sont déjà écoulés depuis la première visite de Fakarêver! Mais il y a quelques signes qui ne trompent pas: nous reconnaissons désormais la plupart des noms des îles polynésiennes en les situant dans leurs archipels, Vincent est capable de tenir toute une conversation autour de problèmes de moteurs, les filles se déplacent sans hésiter sur le pont, le quai, dans les cabines… On a tous grandi!

un dimanche à Moorea

Il faut rentrer pour nos deux dernières journées à bord, qui s’annoncent palpitantes: brossage du pont (à genoux avec la brosse à main, seul moyen de nettoyer l’anti-dérapant), remplissage des sacs de voyage (il faut aller en acheter un 7ème, malgré les affaire déjà rapportées par les parents de Leslie, bizarrement tout ne rentre pas…), nettoyage de toutes les cabines, de toutes les salles de bain, du carré, du cockpit, des plafonds…. La vente est enfin signée lundi soir, Alexandre vient à bord mardi après-midi pour la passation, et toutes les explications techniques: fonctionnement de la connectivité Bluetooth qui surveille l’électricité (il paraît que c’est plus simple que ce que ça en a l’air…), du dessalinisateur, du traceur… Je finalise les bagages pendant les quelques heures que dure la formation, et puis ça y est, on quitte le navire! Quelques aller-retours avec la brouette de la marina chargée de nos sacs, qui vont passer le prochain mois dans le bungalow d’Alexandre et Mathilde, un dernier tour du bateau, un dernier au-revoir, et le taxi nous amène au Motel de l’aéroport sous une pluie fine mais persistante…

La fin ?

L’aéroport? Pour aller où? Aux Marquises bien sûr! Depuis le temps qu’on en parle…. ça y est, on y va! Donc en avion (4h de voyage au lieu de 9 jours en mer), dans des pensions (plutôt que dans des mouillages réputés assez chahutés par la houle), ce ne sera pas la même découverte que par la mer, on fera moins d’îles aussi, surtout que les liaisons aériennes n’ont pas repris partout, mais on a tellement cru qu’on ne les verrait jamais, nous avons là un magnifique lot de consolation!
Mercredi 8h, bagages enregistrés, famille masquée, c’est parti pour un nouvel archipel!

Et c’est terminé pour notre aventure maritime… Pour le moment pas encore de nostalgie, nous sommes contents de retrouver le confort de la vie terrestre. Le mois qui vient de s’écouler a été bien rempli, et pas seulement de couchers de soleil et de navigations idylliques, nous avons eu le temps de nous préparer à partir, d’emmagasiner de derniers souvenirs, de sortir petit à petit de notre coquille confortable (le décrochage des dessins et des peintures a participé à notre propre détachement). Malgré les aléas techniques et Covidaux, nous avons relevé notre défi: vivre et naviguer toute une année à la découverte de paysages, de cultures, d’expériences incroyables, tellement loin de notre quotidien bonimontain (de Montbonnot ^^).
Et surtout… on ne s’est pas échoué sur les récifs, on n’a pas démâté, on n’a pas touché de patate de corail, personne n’est tombé à l’eau pendant une navigation, on ne s’est pas fait attaqué par un requin/une méduse/ un corail de feu, on n’a pas eu la ciguatera ni la dengue!! Nous avions à bord une énorme trousse à pharmacie, Leslie avait fait un stage de premiers secours en milieu isolé, et c’est avec un grand soulagement qu’elle a donné les kits de sutures, agrafes, piqûres d’adrénaline, et autres matériels réjouissants et intacts aux nouveaux propriétaires! Même si nous nous étions préparés à toutes les éventualités ci-dessus, car des accidents sont vite arrivés en mer, nous sommes bien contents de les avoir évités…

Les filles nous auront complètement épatés pendant cette aventure, et c’est peut-être là notre plus grand émerveillement: leur capacité d’adaptation à leurs nouvelles conditions de vie et aux différentes navigations, leur facilité d’appréhension de toutes les nouvelles contraintes (restrictions de déplacement, isolement, complexités de ravitaillement), leur grand enthousiasme à chaque arrivée dans une nouvelle île, pour une nouvelle activité (bon, pas forcément toujours pour faire l’école… on ne demande pas non plus la perfection…). Elles ont grandi pendant cette année (en témoignent les robes qui n’ont cessé de raccourcir), elles ont pris en aisance dans leur rapport aux autres, elles n’hésitent plus à se mêler à des groupes d’enfants, à leurs jeux, nous sommes vraiment fiers d’elles – même si, en même temps, en tant que parents, on n’est pas vraiment objectifs… Mais on le dit quand même ^^!

Nous sommes arrivés depuis mercredi à Hiva Oa, notre première île marquisienne, qui tient pour le moment toutes ses promesses… Mais ce sera dans le prochain article!