Après ces longs détours, nous découvrons à notre réveil un petit bout de paradis: un mur végétal encadre la baie où nous mouillons, des milliers d’oiseaux ( et évidemment de nombreux coqs) emplissent l’air paisible de leurs chants (pas tous) mélodieux, des odeurs complexes s’échappent de la forêt environnante où poussent quantités d’essences de plantes différentes, l’eau est claire et chaude, une magnifique plage nous tend ses bras… Tahiti et sa foule (oui, une ville de 25 000 habitants est désormais une mégalopole à notre échelle ) nous paraît bien loin!
Nous mouillons sur un énorme banc de sable, avec très peu de profondeur, sur lequel se prélassent des milliers d’holothuries, aussi appelées boudins des mers, beaucoup plus parlant comme description. Pas de danger si on en écrase une, si ce n’est le souvenir d’une sensation visqueuse et poisseuse…
Réveillée de bonne heure, je vais nager sur ce banc de sable, ne découvrant qu’une longue étendue de saucisses noirâtres, quand je vois apparaître dans le lointain un dragon se roulant dans la poussière… ou plutôt une raie léopard fouissant le sable avec son museau. L’eau très peu profonde me permet de la voir de très près, mais elle s’enfuit assez vite, préférant déjeuner seule. Je continue ma promenade, m’approche d’une deuxième congénère, qui ne rechigne pas à partager ses meilleurs spots de mollusques. J’en profite pour faire des photos (j’ai déjà pris mon petit déj), puis la suis vers la partie plus profond de la baie. Ma nouvelle copine entreprend de me faire visiter sa propriété, et nous nageons de conserve (sans croiser de sardines) pendant 45 minutes: elle me fait longer la plage, le ponton où sont nichées de magnifiques anémones, me montre de belles patates de corail, même si l’eau est assez trouble dès qu’elle devient plus profonde.
La raie est tout aussi curieuse que moi, remonte régulièrement vers la surface pour nager à mes côtés, se positionne parfois un peu en-dessous de moi, me donnant l’impression de chevaucher une créature volante, c’est une expérience fantastique!
Au bout d’un moment, elle semble se mettre en pause, retournant au fond de l’eau sans trop bouger, comme pour une sieste. J’en profite pour traverser la baie et rejoindre le bateau, car cela fait un moment que j’ai très froid (l’eau n’est qu’à 27°C, c’est un peu limite, vivement les Tuamotu et leurs eaux à 30°C…).
Au milieu de la baie, j’aperçois une annexe pleine de touristes qui fait des ronds, je m’en approche, des fois qu’il y ait une baleine, et là… j’ai le souffle coupé, le coeur qui s’arrête, des feux d’artifice qui explosent dans ma tête: il y a trois énormes raies mantas qui s’avancent majestueusement… Toute notion de froid oubliée, je palme le plus vite possible pour les rattraper, et assiste bouche bée (c’est l’avantage du masque intégral par rapport au tuba…) à leur nage tellement belle et élégante… Complètement fascinée, je ne panique même pas lorsque la plus grosse remonte vers moi, la gueule béante à la recherche de plancton. Complètement submergée par l’émotion, je les suis une bonne vingtaine de minutes, ayant même la surprise de revoir apparaître la petite raie léopard, qui se lance à la poursuite de ses très grandes cousines, me permettant de mieux admirer l’échelle de ces bêtes gigantesques.
De retour parmi les humains, les filles terminent leurs devoirs et nous rejoignons Lotus sur la plage, à qui je montre béatement les photos et les films de la matinée… Les filles profitent des poissons et du sable clair et doux, puis nous nous installons au petit restaurant tout à fait charmant de l’hôtel de la baie, qui propose de très beaux plats à base de poissons crus. C’est beau, c’est bon, il y a des raies mantas pas loin, que demander de plus?
L’après-midi, petite plongée dans la baie, qui m’offre à nouveau un beau cadeau: je croise enfin des tortues! Jusqu’à présent seulement aperçues s’enfuyant à toute allure, j’ai tout le loisir cette fois de les admirer nager calmement d’un rocher à un autre, m’observant tranquillement du coin de l’oeil tout en m’acceptant sur leur territoire. Ma raie revient me faire un signe, elle est accompagnée cette fois d’un poisson nettoyeur « comme les grandes »…
Cette journée complètement folle se termine sur Lotus, je perds à la partie de tarot mexicain, mais je pense que j’ai largement épuisé mon quota de chance de ces douze dernières heures, je suis bonne perdante…
A minuit, j’ai terminé de monter toutes les vidéos de raies et de tortues pendant que Vincent rédigeait l’article sur notre traversée jusqu’à Huahine, quand ce matin, je suis retournée à l’eau… et après quelques heures, il a fallu que je me rende à l’évidence: il va falloir rééditer le film.
Pourtant, en maillot de bain dès 7h, je n’avais guère croisé que trois tortues (voyez comme je suis déjà complètement blasée de ce magnifique reptile que je rêvais de rencontrer depuis des semaines), quand, me rebaignant à 10h, je vois partir l’équipage de Lotus et Agathe (qui continue ses soirées pyjamas) en kayak en direction de la passe. Je les suis, et les ayant enfin rattrapés, ils m’expliquent qu’en filmant avec leur drone ils ont aperçu une raie manta près de la passe, mais qu’elle venait de repartir. Je traîne un moment dans le coin (je n’ai rien d’autre à faire, ma copine raie dort encore), et là… qui voilà? Une petite raie manta toute guillerette, qui longe les tombants de la baie. Je la suis en direction du bateau, tentant par tous les moyens de communiquer aux occupants de Fakarever et de Lotus de revenir. Ils finissent par avoir le message, et nous partageons une magnifique baignade en compagnie de cette jeune raie pas du tout farouche, qui nous gratifie de saltos arrière et de nages sur le dos, sous nos yeux ébahis et admiratifs. Elle sait qu’elle est belle, et montre toute l’étendue de son talent à un public complètement conquis. Elle nous laisse la rattraper, et je vis ce moment merveilleux de nager à la hauteur de ses yeux, côte à côte, puis légèrement au-dessus d’elle, de ses ailes, me sentant acceptée par ce magnifique animal sauvage.
Déjeuner chez nous avec Lotus pour partager nos émotions et nos films, je récupère notamment les magnifiques vues le la raie depuis le drone, et je termine le film, obligée avec un pincement de coeur de supprimer les vues des tortues pour qu’il ne soit pas trop long… Pour me faire pardonner, quelques photos de ces vénérables, et promis, je leur consacrerai une prochaine vidéo!
p.s: attention, certaines images peuvent heurter la sensibilité, et vous donner envie de vous désabonner de ce blog, la vue de ces gros poissons suscitant une jalousie incontrôlable. Je comprendrai, j’aurais fait pareil ^^…