Ça fait déjà un mois… qu’on est au même endroit, comme beaucoup d’entre vous! Le confinement est annoncé jusqu’au 29 avril pour Tahiti et Moorea, il se relâche dans le reste de la Polynésie Française, où aucun cas ne s’est manifesté ces dernières semaines, au grand soulagement de tous! Une cinquantaine de cas en revanche autour de Papeete, mais rien de nouveau depuis quelques jours, on a l’impression d’avoir échappé au pire…
Le confinement a été mis en place très tôt ici, avec un couvre-feu et l’interdiction de vente d’alcool – il y a eu quelques « bringues » le premier week-end confiné. Pas de sport nautique, ni de natation même pour les voiliers ancrés, la gendarmerie passant voir chacun d’entre nous pour vérifier nos identités et nous tenir informer des nouvelles règles. Dans certaines îles, comme aux Marquises ou aux Tuamotus, la situation est assez tendue, les marins n’ont pas le droit de débarquer à terre, ou seulement pour récupérer une commande au quai. Les mouillages sont pleins, les Marquisiens redoutent l’arrivée des voiliers en train de traverser le Pacifique, partis avant l’annonce du confinement: même s’ils ne sont pas forcément porteurs de la maladie, ils ont besoin d’approvisionner leur navire, et les réserves et les mouillages sont limités… Ils sont alors envoyés sur Tahiti, où des places leur sont trouvées à Papeete. Les vols internationaux et inter-îles sont suspendus, les derniers Américains ont été rapatriés la semaine dernière par un avion affrété par des particuliers; une liaison hebdomadaire est maintenue avec la France pour livrer du matériel médical, et assurer les éventuelles évacuations sanitaires, ainsi que celle des derniers touristes. Les Polynésiens encore en France ou à l’étranger n’ont pas le droit en revanche de revenir de ce côté du monde, et les habitants des autres îles coincés à Tahiti ne peuvent pas rentrer chez eux… Plein de situations compliquées…
Nous avons trouvé une belle place au mouillage de l’aéroport de Tahiti, très calme une fois toutes les liaisons coupées, et splendide: nous sommes au-dessus d’un beau plateau de sable – on voit l’ancre à moins de 3 mètres de fond – traversé par des raies pastenagues, des raies léopard, et même quelques tortues.
Nous sommes très proches d’une énorme massif de corail, dans lequel nous prenons parfois la liberté de nous baigner pour évacuer le trop plein d’énergie… On y croise même quelques requins pointe-noire! Et en face de nous, Moorea, qui nous offre des couchers de soleil splendides tous les soirs…
Il y a une quarantaine de bateau autour de nous, un peu plus d’un tiers sont des bateaux de charters vides, entreposés là en attendant la reprise des activités touristiques; nous y trouvons également le groupe de bateaux américains qui a passé les mois d’été à Fakarava, et qui organise tous les matins à 9h un bulletin radio sur la VHF des dernières nouvelles du monde et du mouillage: besoins de pièces détachées, proposition de dépôt des poubelles à terre… et à 17h, un mini trivial pursuit (à la radio toujours)!
La vie est plutôt douce, une fois le stress et l’angoisse liés au virus digérés: on a cessé petit à petit de lire le Live du monde.fr, on arrête de construire plein de scénarios de déconfinement… On profite de chaque journée pour faire tout ce qu’on avait pensé entreprendre pendant cette année sabbatique sans en avoir le temps: des aquarelles pour moi, apprendre à jouer du Ukulele pour Vincent, faire des puzzle, des cookies…
On fait des vidéos thématiques, pour des anniversaire, le 1er avril, sur lesquelles on enregistre la bande-son: les filles développent de nouvelles compétences, et se remettent à la musique!
Le lapin de Pâques a même réussi à passer sur Fakarêver… en semant quelques œufs dans l’eau…
Comme il n’y a plus rien à réparer, Vincent reprend donc sa casquette de professeur, et les sessions d’école deviennent plus régulières et plus approfondies – au grand bonheur des filles ^^… Elles se mettent à la programmation avec le logiciel Scratch, et se débrouillent bien! On lance des séances de natation pour perfectionner le dos crawlé et le plongeon; on essaie de garder le déhanché en reprenant les exercices d’ori tahiti, mais sans Diana c’est plus difficile de se motiver!
Nous allons chercher des produits frais à terre une fois par semaine, munis de la fameuse autorisation de circuler, de gel hydro-alcoolique trouvé au fond de l’énorme trousse à pharmacie de bord, et d’un masque bricolé à partir d’un bandeau des filles. Vincent a vu un changement lors des premières semaines, les gens s’équipent petit à petit, et avant-hier, lors de ma première sortie à terre depuis 3 semaines, la grande majorité des clients étaient masqués. Heureusement, les Polynésiens sourient aussi avec les yeux, et le contact humain n’est pas complètement perdu!
Les filles vivent plutôt bien ce confinement, ayant déjà toutes leurs marques et habituées à vivre dans un espace restreint. Elles ne réclament pas de descendre à terre, se défoulent dans l’eau et sur le pont! Le retour en France les inquiète un peu plus: quand, comment, après le confinement? Nous n’en savons pas beaucoup plus pour le moment: nous aimerions encore visiter, voire même naviguer, mais les bateaux risquent d’être déconfinés en dernier; aller aux Marquises en avion et y passer un mois, si les liaisons inter-îles sont rouvertes; se promener sur Tahiti et sa presqu’île, magnifique et que l’on n’a pas vraiment explorée; rentrer juste après le confinement, si celui-ci se poursuit encore plusieurs semaines… Cela nous laisserait un goût d’inachevé, mais facilement surmontable si c’est la seule conséquence dans nos vies de cette crise mondiale…
Nous rassurons les filles, on finira par rentrer à la maison, et retrouver toutes leurs petites affaires, qui manquent particulièrement à Cécilie! Elle fait régulièrement la liste de toutes les peluches laissées là-bas, le tour virtuel des différentes chambres, se rappelle les rythmes et rituels de son école… De mon côté c’est le temps des mutations intra-académiques, il me faut postuler pour un nouvel établissement, le retour ne nous a jamais paru aussi près, alors qu’il nous reste trois bons mois!
Deux petites vidéos: Une journée confinée sur Fakarêver, en compagnie évidemment des dragons, nos passagers clandestins montés à bord à Huahine, et dont la famille n’a cessé de s’agrandir… Les filles en sont folles, et passent leurs journées à construire des histoires, des accessoires, des ailes, des cartes, des maisons pour dragons… Après les fées, elles sont dans une nouvelle passion pour des créatures ailées un peu moins élégantes…
Deuxième vidéo: une reprise de la chanson “Bleu lumière” de Vaiana par les filles et mon ukulele, avec des images issues de toutes les étapes de notre voyage: