Maupiti

A l’ouest!

Que faire, que voir, que raconter après cette baleine… J’avoue avoir été K.O quelques jours après cette rencontre merveilleuse… Plus envie de plonger, comme rassasiée, trop pleine d’images et d’émotions trop fortes… Alors on a fait d’autres choses: un petit tour à Vaitape, la ville de Bora, pour faire le plein de fruits; un peu d’école; un peu de lecture; Vincent et les filles sont sortis du lagon pour rencontrer un requin-citron, mais j’ai décliné l’invitation, pas encore complètement remise…
Puis nous partons: le vent continue de baisser, et si ça continue nous irons à Maupiti au moteur, un comble après les semaines de vent que nous avons essuyées! Maupiti est la dernière grande île habitée de la Polynésie Française, la plus à l’ouest, la plus sauvage, la plus belle nous a-t-on dit… Et elle se mérite: on y accède par une unique passe, inhospitalière voire très dangereuse selon les conditions… Lotus nous a raconté l’histoire d’un monocoque obligé de renoncer après 1h de lutte contre le courant; celle d’amis qui étaient partis de nuit de Bora pour être certains d’être aux aurores à la passe… Tout cela nous faisait froid dans le dos. Un couple qui tient une pension sur le bord de cette Charybde ( ou c’est Scylla, je ne sais jamais…), anciens marins, donne des conseils par téléphone aux nouveaux arrivants. Je les appelle vendredi, la voix chevrotante: « la passe va-t-elle bien? »; Camille me répond en riant qu’elle ne peut pas prédire son état de demain, mais que vu le vent (entre 8 et 10 noeuds) et la houle (moins d’un mètre), ça devrait passer. Ça devrait. Ça ne nous fait pas rire.
Nous choisissons finalement d’appareiller dimanche; mais la veille au soir, en re-re-re-re-regardant la météo, nous voyons la carte couverte de grains et d’orage… Malheur, Maupiti est-elle maudite?
Nous partons tout de même aux aurores, comptant sur une traversée de 6h, l’arrivée prévue à midi avec peu de houle annoncée devrait permettre un passage assez tranquille – surtout, le vent chute considérablement en début d’après-midi.
Nous quittons Bora sur des images magnifiques, le pic à moitié voilé par les nuages du premier grain de la journée, le soleil levant filtrant à travers les nuées… Maupiti est droit devant, encore endormie dans le lointain, un peu masquée par les brumes matinales, les oiseaux survolent une mer d’huile, des baleines soufflent au loin, on pense à mettre les voiles – BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIPPPPPPPPPPPPP!!!!!!!!!! Ou plutôt: un bruit strident nous tire de nos rêveries: quoi quoi qu’est-ce qui se passe???
C’est le moteur tribord de Fakarever qui nous dit qu’il y a de l’eau dans le Saildrive (là je laisse Vincent expliquer ce que c’est que le saildrive: « c’est la partie qui transmet les efforts du moteur à l’hélice: principalement immergée donc. Les roulements et pignons doivent baigner dans l’huile et toute eau salée source de corrosion de frottements n’est pas du tout la bienvenue! »). Bien bien. C’est grave docteur? Vincent coupe tout, sort le manuel, ouvre les capots, vérifie l’huile, check sur internet , « y’a pas de mayonnaise » (??? si tu le dis, on a de la moutarde si tu veux), « c’est sûrement une fausse alerte. » Oui, mais si c’en n’est pas une? On va vers Raiatea plutôt, pour faire vérifier ? Oui, non? Sûr sûr??
Nous repartons, le BIIIIIPPP tente encore deux fois de communiquer le temps que l’on lance le spi, puis se tait définitivement: on est à la voile direction Maupiti !

Interlude technique: une fois arrivé, Dominique ( spécialiste Yanmar qui nous avait fait la maintenance des 1000h) nous a guidé pour vérifier tout ça: c’était bien une fausse alerte. Il y a en réalité une double membrane, le capteur est entre les deux afin de prévenir en amont dès le passage de l’eau à travers la première membrane et avant que l’huile se transforme en mayonnaise (eau + huile => viscosité de mayonnaise). Pas d’eau entre ces 2 membranes. Un nettoyage de l’ensemble paraît avoir eu raison de cette fausse alerte.

Un grain devant, un derrière, un sur le côté: l’intérêt, c’est qu’on a du vent! On avance bien, Vincent fait ses réglages au poil. Il y a même un poisson qui mord à l’hameçon de sa canne à pêche, mais, tellement on va vite, il en casse le fil (il était vieux, il avait cuit au soleil… (le fil, pas le poisson)).
Malheureusement les grains s’éclipsent (sans même nous avoir mouillés), et le vent avec lui: c’est rapidement le calme plat. Le spi ne se gonfle plus, on tente le génois sans plus de succès, on lance le moteur pour la dernière heure…
Nous déjeunons, puis nous préparons à affronter la passe… Tout est rangé à l’intérieur du bateau, les placards sont fermés, les assiettes sanglées, les filles briefées – ça va secouer, on vous aime!!-, et nous y voilà: Vincent me montre les grosses vagues sur lesquelles il va falloir surfer… ah non, ça c’est la barrière de corail, la passe est à côté… ah, c’est tout plat… oui mais le courant c’est traitre, on fait ronronner les deux moteurs… ah tiens, ça avance tout seul… oh dis donc, ça y est on est dans le lagon… « Papa, c’est quand que ça secoue?? il se passe rien là!! », euh, oui effectivement on a eu au maximum 1 noeud de courant à contresens et aucune vague…
Pas si terrible cette passe finalement… Much ado about nothing?

la fameuse passe

Le lagon par contre est magnifique: aussi beau que celui de Bora, mais plus confidentiel, avec quelques pensions sur les motus, des fonds superbes, des bleus incroyables; on devrait être bien!
Nous mouillons sur un immense plateau de sable, avec 30 cm d’eau sous les coques, mais on est large!

Quelques bateaux de charter viennent mouiller pas loin de nous, mais ils ne restent pas: ils profitent que la passe soit praticable pour profiter une journée, voire 24h de Maupiti, puis s’en repartent à Bora et Tahaa. Nous faisons connaissance avec un magnifique Leopard 48, Léo, propriété de Pierre et Caroline, qui connaissent bien la Polynésie y ayant séjourné à plusieurs reprises. Nous goûtons ensemble le rhum arrangé Passion acquis à la rhumerie de Tahaa, et Pierre me raconte sa prochaine pièce de théâtre qui sera mise en scène au théâtre du Rond-Point… On se reverra en métropole!
Pas loin du mouillage se trouve une aire de nettoyage pour raies manta; nous y faisons un saut dès le premier matin, et ne sommes pas déçus: cinq magnifiques mantas se prélassent au fond de l’eau, en faisant des ronds et des spirales élégantes. La visibilité n’est pas terrible, mais c’est la première rencontre pour les filles, qui sont ravies!


Nous nous promenons sur le motu Pitihahei, pour nous approcher de la barrière de corail – un chien nous accompagne durant toute la balade; nous nous rendons à la pointe Tereia pour profiter de la plage et ramasser des coquillages; nous nageons dans l’énorme piscine qui entoure le bateau; les filles ont leur première leçon de conduite d’annexe; nous admirons les couchers de soleil fabuleux; nous guettons les raies pastenagues et léopards qui tournent autour de notre mouillage; nous devons d’ailleurs en changer – de mouillage – depuis deux jours, pour nous rapprocher du village, mais bizarrement, je suis bien moi là….

On bouge demain, il paraît qu’il y a une magnifique randonnée à faire, il va falloir partir à la recherche de nos chaussettes…

Tahiti

Papeete (révisions)

Nous voici depuis 3 jours à quai à Papeete, où nous renouons avec la civilisation.
La traversée depuis la baie d’Oponohu s’est faite sans encombre, avec une première partie de calme plat qui nous a permis d’admirer les courses de poissons-volants, et une deuxième partie avec un vent un peu plus soutenu, proposant des rafales à 23 noeuds… Nous sommes arrivés à la tombée de la nuit à la marina de Papeete, avec notre première manoeuvre de port, et effectivement, la manoeuvrabilité d’un cata est bien plus confortable que celle d’un monocoque! Nous nous en sommes bien sortis.

Nous (re)découvrons Papeete durant ce petit séjour citadin; la marina est située en plein centre-ville, ce qui nous offre le luxe de viennoiseries fraîches pour le petit-déjeuner, de pâtisseries hautes coutures, de dîners aux roulottes…
(note: les roulottes, c’est le paradis selon Cécilie: chacun choisit ce qu’il veut manger à des roulottes différentes, ce qui offre des choix aussi variés que galette bretonne, hamburger, pizza ou chinois!)

C’est finalement le seul point faible de ce voyage jusqu’à présent: les repas, puisque je dois préparer deux repas par jour pour 4 avec peu d’ingrédients différents à ma disposition, je commençais à manquer d’imagination… mais je viens de trouver à la librairie un petit ouvrage qui devrait nous aider à survivre – et mieux manger- ces prochains mois!
Donc à Papeete nous mangeons, beaucoup et bien, même si bizarrement une très grande partie des plats proposés sont chinois ou d’inspiration chinoise; il n’y a pas (ou très peu, en tout cas pas encore vu) de restaurants Polynésiens. Il semblerait que la cuisine des îles ait été très fortement influencée par la cuisine de la diaspora chinoise, et l’ait mêlée à ses produits locaux. Mais c’est pas grave, on adore les nouilles et la sauce aigre-douce.
Nous mangeons, et nous faisons des courses! Vincent surtout, qui sillonne la ville et sa banlieue à bord d’une voiture de location à la recherche de nombreuses pièces détachées pour le moteur, le désalinisateur, des bouts, des filtres, outils, lampes… On devrait être parés pour une année de navigation! Vincent pourra ensuite se reconvertir en coursier, il devient spécialiste de toutes les boutiques d’accastillage, de mécanique et de quincaillerie de l’île…
Nous approvisionnons également le bateau: 20 kg de sucre, de farine, des litres de jus de fruits, des tablettes de chocolat, des fruits, des légumes, des conserves… Les superettes se feront de plus en plus rares sur les îles que nous rencontrerons, nous emmagasinons donc au maximum.


J’ai fait également quelques achats complètement indispensables: j’ai visité les boutiques de perles et de bijoux avec Agathe, pour acquérir de quoi fabriquer divers petits bijoux durant notre navigation à partir des coquillages et des graines que nous trouverons! Nous avons déjà fait quelques essais plutôt concluants depuis le début du voyage, et Elodie, de Lotus, m’avait montré au mois d’août toutes les petites boutiques, parfois confidentielles, dans lesquelles je pouvais m’approvisionner en fermoirs, chaînes, cordons…

La grosse révision (des 4 ans/1000h) des moteurs (but premier de notre séjour) touche à son terme: Dominique a démonté, dessalé, nettoyé, réparé et repeint même certaines pièces. Il vient de les redémarrer et a l’air satisfait: à nous les grands espaces, la solitude et le silence! C’est bruyant la ville, on avait oublié. Surtout quand des jeunes, qui ne semblent pas avoir cours le mercredi après-midi, se posent en face de la marina avec quatre énormes baffles: ils parviennent même à couvrir la 2×2 voies qui longe le front de mer, embouteillée de 7h à 17h…
Mais les Tahitiens sont extrêmement courtois au volant: il suffit que nous nous présentions au passage-piéton pour que la circulation s’arrête immédiatement (à moins que ce soit mon charisme légendaire, mais j’ai des doutes…). A tel point qu’aux heures de pointes, des policiers empêchent les gens de traverser (au grand dam d’Agathe, « normalement les policiers ils font l’inverse? ») pour qu’il y ait un minimum de fluidité dans les artères de Papeete…

Nous retrouvons les coqs, poules et poussins toujours en vadrouille, aussi à l’aise en plein centre-ville sous les voitures que dans la forêt vierge en haut des cols. Ce volatile présente des capacités d’adaptation beaucoup trop sous-estimées en Europe, il faudrait peut-être revoir sa place au sein de nos sociétés! Guide de haute-montagne par exemple, ou rédacteur du Routard…

Nos promenades nous font découvrir de très belles fresques murales, colorées et variées; le street art a une place importante sur Tahiti et Mooorea, où nous avons régulièrement croisé des œuvres bien mises en valeur. On pourrait peut-être créer un jumelage avec le Grenoble Street Art festival? Je devrais me renseigner…

Nous avons également profité de deux petites plages en banlieue de Papeete, l’une de sable noire, bordée d’une jolie falaise, l’autre de galet, avec une belle vue sur les longs doigts de végétation, vestiges de coulées volcaniques, qui semblent entrer dans l’eau, et se voient particulièrement bien de Moorea!

Nous récupérons le spi (réparé) demain matin, puis retournons avec le bateau à la marina de Taina pour faire quelques grosses lessives, et profiterons des alizées pour notre première « grande » traversée jusqu’à Huahine (15h de navigation), d’ici la fin de la semaine.