Huahine

Hue, Huahine

Plan de Nav

Après toute cette attente à Papeete et Taina, on est impatient de partir ! Le vent indiqué est de 10-15 Noeuds en grand largue une fois que l’on aura quitté la protection de l’île de Tahiti. On espère donc faire du 7 noeuds de moyenne (héhé, on est encore des jeunes Padawan) et mettre une quinzaine d’heures pour faire les 90 miles de navigation.

Pour arriver de jour, nous prévoyons de partir en fin d’après midi et de naviguer essentiellement de nuit. C’est notre première nav de nuit tout seuls ! (la seule qu’on ait faite était avec Skipper à Bandol en Méditerranée )

C’est parti!

Après des derniers achats sur place (chaine inox pour l’annexe afin de ne plus se mettre plein de rouille sur les mains à chaque fois qu’on l’attache, colle pour remettre le rail de led sous la nouvelle machine, et plein d’autres petites choses), on largue les amarres vers 16h.

2 rameurs profitent de notre sillage le temps que l’on rejoigne la passe, la lumière est magnifique et cela fait un petit pincement de quitter Tahiti, où on a déjà passé de si bons moments !

La passe est agitée (gros bouillons, houle de travers), mais avec les 2 moteurs et de la vitesse, on traverse aisément. Le vent se fait trop timide à la sortie, donc on continue au moteur direction plein nord pour quitter le cône protégé par l’île.

Petit à petit le vent augmente, la nuit commence à tomber, et comme on ne se voit pas faire notre première nav de nuit sous spi, on met juste le génois. Le temps est magnifique, la lune presque pleine nous éclaire, la houle avec ses longues ondulations nous pousse gentiment dans la bonne direction. Il est 19h30, Leslie fera le premier quart, je vais me reposer ( magie: je m’endors très rapidement)

1er quart

(c’est Leslie qui raconte) Évidemment qu’il dort comme un bébé, avec un telle navigatrice à la barre, il peut dormir sur ses deux oreilles!
La nuit est effectivement magnifique, et avec la houle qui nous fait un peu surfer, l’allure est vraiment agréable. Je me détends petit à petit (oui, bizarrement, un peu stressée au départ…), je profite du bruit de l’eau sur la coque et des doux mouvements de balancier du navire. Avec le pilote automatique enclenché, il n’y a finalement pas grand chose à faire pendant le quart, j’en profite pour éditer quelques images sous-marines prises à Taina (nous avions trouvé un nouveau spot de plongée bien sympa avec une petite épave), lire tranquillement (en mettant un réveil toutes les 10 minutes, le bercement continu commence à faire son effet), et même sortir le ukulele. Quelle classe de travailler ses accords sur le siège de barre, face aux étoiles! J’arrive même à la fin de mon quart à maîtriser le Sib mineur…
Vers 1h le vent a beaucoup baissé, notre vitesse de pointe est autour des 2,8 – 3 noeuds, je vais réveiller Vincent pour tenter l’option Grand-Voile (bien mal m’en a pris, je spoile un peu le paragraphe suivant, mais elle a fait un bruit d’enfer tout le reste de la nuit et j’ai dormi à peine 1h30…)

2ème quart

1h30, Leslie me réveille, et je me prépare pour mon quart. Le vent est seulement de 7-9 noeuds, et nous avançons à ce moment là à 3 noeuds (après une moyenne de 4). Ça va être juste pour arriver avant le lendemain soir! On décide d’ajouter la grand voile. Allez, hue ! En pratique, cela ne nous a pas fait gagner grand chose à cette allure, à part des battements de baume en fonction de la houle (même celle-ci attachée). Leslie part se coucher vers 2h30. C’est donc à 4 noeuds de moyenne que nous continuons.
Je profite de la lune, des nuages et des grains qui passent au loin, un porte container et un ferry nous croisent sur l’horizon.
La lune disparait et c’est 30 minutes de noir profond avant que le soleil se lève…. magique!

Spi

6h, la luminosité est bonne, il est temps de mettre le spi pour accélérer ! (l’ordinateur de bord indique une arrivée à la passe vers 21h à notre vitesse de tortue…de terre, car dans l’eau, elles filent !)
On a bien tout préparé, selon le manuel qui dit (au contraire du livre des Glénans), de garder la grand voile et rouler le génois.
Cela se déroule pas trop mal, mais avec la houle qui lui imprime de grand mouvements et la grand voile qui le dévente, le tout avec peu de vent, le spi ne tient pas bien et se replie régulièrement sur lui même.
On le remet dans sa chaussette, pose 3 ris à la grand voile pour limiter la dévente et c’est reparti ! Mais le temps de faire ça, le spi a visiblement eu le temps de tourner sur lui même et ne se déploie pas.

On est fatigués, il est temps de prendre un petit déjeuner, c’est donc avec un moteur qu’on avance (et une voile au 3ème ris). 5,5 noeuds, l’heure d’arrivée prévue est de nouveau raisonnable.

Une fois les forces reprises, on sort le spi entièrement de sa chaussette sur le pont en l’attachant régulièrement pour qu’il ne se gonfle pas; on lui trouve 2 tours entre lui et sa chaussette (bizarre). Ça n’a pas dû aider sa mise en place le matin…

10h, on est tout bon ? On y va ? Euh… le vent est tombé à 5 noeuds, on laisse tomber, on range complètement la grand voile et profitons de la navigation (au moteur donc 🙁 )

13h45, le vent forcit de nouveau à 9-11 noeuds.
Je suis toujours à fond: « on met le spi » ? Bizarrement Leslie n’était plus super motivée.. j’utilise mon joker: « on essaie 15 minutes, si ça fonctionne pas, on met le génois et on continue appuyé au moteur »
Et là, le miracle opère: sans grand voile, les tours enlevés, ça se déploie tout seul, il est magnifique !
Par contre, nous n’avançons qu’à 4,5 noeuds, nous gardons donc un petit appui moteur pour rester à 6 noeuds et arriver avec assez de marge tout au fond du chenal (1H30 de chenal), où nous attend Lotus, avant la nuit.

Huahine !

Huahine se découpe à l’horizon, une baleine vient nous accueillir et repart. Nous approchons suffisamment pour faire des échanges radio avec Lotus.

Notre bateau pris depuis le mouillage par Lotus! Mais quel beau spi!!

Avec l’effet venturi près de l’île, le vent forcit assez pour que l’on coupe le moteur (12noeuds !). Nous longeons ainsi le récif sans autre bruit que la houle qui roule et s’écrase avec fracas sur celui ci (en quelque centaines de mètre la profondeur passe de 1000 mètres à 0!), c’est vraiment impressionnant.

Le Spi quand à lui opère sagement le passage de large tribord, au vent arrière puis au large bâbord à l’aide de nos réglages…

16h30, nous sommes à la passe. C’est un trajet magique qui nous attend pour rejoindre le mouillage tout au sud, avec le soleil couchant sur l’eau transparente, la végétation luxuriante, les paysages qui se découpent et défilent sous nos yeux..

On mouille ?

17h50, le soleil est tout juste couché, on fait (vraiment) confiance à Julien pour le rejoindre sur un plateau de sable. Le sondeur bippe et indique 1,1m pour un cata d’1,16m de tirant d’eau: Julien tu es vraiment vraiment sûr ? Il y aura en effet encore 20cm d’eau sous la quille et on est marée basse (on surveillera la houle tout de même)
C’est bon, on est positionné ? Leslie envoie l’ancre ! Comment ça, ça fait juste « clic clic ? ». Rhaaaaaa !
J’essaie aussi, Julien vient nous aider, desserre le frein, mais rien à faire ça ne descend pas. Le tout avec suffisamment de courant pour qu’il faille en permanence quelqu’un à la barre pour compenser.

on aperçoit la mine déconfite de Leslie devant le guindeau en panne…

On jette l’ancre de secours. C’était au final juste le disjoncteur qui avait été coupé par inadvertance lors des travaux moteurs de Papeete, et moi qui au lieu d’enlever le frein avait mis la sécurité qui empêche le guindeau de se dérouler. On a encore beaucoup à apprendre !

On est tous ravis de retrouver Lotus et c’est autour d’un bon apéro (et de rhum) que l’on se raconte toutes nos aventures!

Le film!

Voici quelques images admirablement filmées et montées par Leslie :

Avant le départ

L’achat du bateau

Partir sur un voilier 1 an pour faire le tour de la Polynésie, c’est bien, mais il faut encore savoir sur quel navire et le trouver !

Entre notre idée de départ et ce que l’on a finalement choisi, c’est presque le grand écart: nous sommes passés d’un dériveur intégral à un catamaran grand confort dont les prix n’ont rien à voir.

Notre expérience

Leslie avait une expérience lointaine sur monocoque habitable lors de vacances dans sa jeunesse avec ses parents. De mon côté, j’avais une expérience de voile légère à la fois sur monocoque (420, Laser) et sur cata (hobie cat). J’allais oublier le plus important: nous avons chacun de notre coté, au collège, fait une colo sur l’Émigrant, un vieux gréement (visible ici, actuellement connu sous le nom de “Bro Warok”).

L'Emigrant / Bro Warok
L’Emigrant / Bro Warok

Mono ou cata ?

On se sentait tout de même un peu rouillés. Pour expérimenter, et faire le bilan de nos compétences respectives, nous faisons un premier stage en février sur un Sun Fast 43. C’est un peu la Ferrari des monocoques: très beau bateau, ultra-maniable, agréable à naviguer. Cela nous a donc convaincu de… choisir un catamaran! En effet, même si coté sensation c’est génial, 3 points nous ont convaincus pour un cata:

  • l’absence de gite en catamaran permettra à nos filles de s’installer et jouer pendant les navigations (dont certaines vont durer plusieurs jours)
  • un grand carré en hauteur sur l’eau et vue 360° (vs en fond de coque) améliore grandement le confort et devrait là encore leur permettre d’y être pendant les longues navigations sans avoir le mal de mer
  • un faible tirant d’eau (que l’on peut retrouver sur un dériveur intégral)
Iti Manawa
Leslie à la barre d’Iti Manawa

Recherches

C’est ainsi que dès fin février nous nous sommes lancés dans la recherche d’un catamaran, avec un budget de 170 à 220 k€. Nous avons contactés les brokers en Polynésie, et beaucoup discuté avec David de Tahiti Sail qui a été d’une aide énorme: il nous a extrêmement bien accompagné dans ce projet d’achat. Nous avons également trouvé une annonce originale émanant d’un broker australien, ce qui nous a permis de préparer petit à petit une sélection de bateaux à voir lors d’un aller-retour express de 2 semaines en juin.

Un aller-retour ?

15 jours de congés dans une période où ils pourraient servir à d’autres préparatifs ? Malgré le prix des billets? le kérosène brûlé ? Est-ce que ça valait le coup ?

Oui, trois fois oui:
1) On voit effectivement beaucoup de choses sur les annonces, mais pas tout. Un des catamarans dans notre TOP 3 n’était finalement pas un choix valable et je ne m’en serais jamais aperçu à distance.
2) Lorsque l’on monte sur un cata et encore plus lorsque l’on rencontre les propriétaires, il y a plein de choses que l’on ressent tout de suite: cata très (trop?) customisé/bricolé, accent mis sur les voiles, sur le moteur, sur le confort…
3) N’ayant pas d’expérience d’achat de bateau, j’ai énormément appris lors de ces visites: les différents types de matériel, les habitudes des propriétaires, leurs astuces, ce qui était important pour eux par rapport à leur utilisation (performance du dessallinisateur ? Intérêt d’un générateur ? d’une machine à laver ?). Cela permet de mieux se projeter! J’ai aussi eu la chance immense d’être accueilli par Maud et Yann qui habitent sur leur cata à Moorea et ont déjà fait un grand voyage à travers la Polynésie. Cela a permis d’échanger sur les choix, de prendre du recul, de se rassurer.

En route pour Raiatea (Moorea sur la photo)

Ce que l’on a choisi et pourquoi ?

5 catamarans en lice au départ avec des choix très différents:

  • 1 cata à 170k, à peu près dans les prix du marché, bien équipé grand voyage => éliminé, car trop customisé, et nous souhaitions aussi un intérieur en meilleur état. Cela aurait été au final notre 3ème choix.
  • 1 autre un peu trop cher par rapport au marché, mais négociable => éliminé car c’était un cata qui a essentiellement fait du port: limité en voiles, options de port inutiles ( clim utilisable à quai uniquement sachant que nous ne feront pratiquement que du mouillage) et on risquait d’avoir des surprises si on se mettait à l’utiliser intensivement à la voile.
  • 1 initialement dans le top 3, dont la visite a été très décevante par rapport à son état et a semblé avoir souffert de l’humidité.
    note: Taravao est très humide, et je ne le conseillerai pas pour stoker un navire

Et les 2 finalistes:

  • Appelons le premier F: une autre gamme de cata: grand (44 pieds: nous cherchions entre 40 et 45 pieds), mais surtout très récent, de très belles prestations et très bien équipé. Par contre au double du prix. Pourquoi l’avoir tout de même regardé ? David nous en a parlé car des acheteurs potentiels étaient intéressés pour l’été 2020 (revente à priori plus facile) et surtout plus de la moitié du prix était sous LOA. Kezako ? « Location avec Option d’Achat »: en gros un crédit est associé au cata. Nous pouvons donc l’acquérir pour beaucoup moins cher, mais avec un crédit en plus à rembourser. Mensualités comprises, il revenait ainsi dans notre budget. Nous n’y croyions pas trop, mais nous avions suivi cette piste parmi les autres.
  • Appelons le deuxième N (celui du broker australien): un très beau cata, pas trop vieux (10 ans), un peu au dessus de nos prix, très très bien entretenu, un peu juste en terme d’équipements. Cela aurait été un très bon choix aussi.

Après avoir pris le week-end pour réfléchir, nous avons décidé de prendre F en dessous d’un certain prix (en cas d’échec, nous nous serions rabattus sur N) afin de ne pas prendre trop de risque lors de la revente (le crédit continue de courir même si la vente se prolonge) et pour s’assurer que notre dossier de LOA soit validé par la banque. Le pire aurait été d’être refusé par la banque et que N soit vendu entre temps!

Deux semaines intenses

Au final, ces deux semaines ont été bien remplies:
Arrivée lundi, visite avec David mardi et mercredi, visite de N à Raiatea jeudi vendredi.
WE pour réfléchir.
Négo lundi et mardi, signature compromis mercredi, prise en main et essai en mer* jeudi, expertise avec sortie de l’eau vendredi, et retour pour la métropole samedi à la première heure !
* il n’y a en général pas d’essai possible lors des visites, il faut d’abord signer le compromis, cela évite les touristes

Fakarever sorti de l'eau
C’est parti pour l’expertise de la coque !

Ouf, nous avons un navire (Fakarever donc), le reste c’est du détail: nous sommes prêts à partir !