Maupiti

Maupiti, montagne et majestés

Nous continuons notre séjour idyllique sur cette petit île retirée (la vidéo du post précédent a été chargée, vous pouvez la voir ici). Nous avons changé de mouillage, et sommes maintenant en face du village Vaeia: une seule rue, qui fait le tour de l’île; la mairie est à côté de la poste, en face de la petite halle, sous laquelle des mamies vendent des petits plats et quelques fruits et légumes. On achète notre première pastèque du voyage, et des concombres en tas (500frs, pas chers!); pas de superette, mais des épiceries situées dans les annexes de maison de particuliers: pratiques, elles sont ouvertes quasiment toute la journée, et quand il n’y pas de client l’épicier se met sur sa terrasse ou dans son hamac. Terrible la vie à Maupiti… Les gens circulent beaucoup à vélo, ou en scooter – véhicule familial comme chacun le sait – nous ne sommes donc pas gênés par les embouteillages lors de nos déambulations…
Nous entreprenons (enfin) LA randonnée de Maupiti, un chemin qui mène jusqu’au sommet de l’île: le mont Teurafaatiu, culminant à 380m. « Peuh, c’est tout? » me direz-vous. Oui mais: déjà, on part de 0m; ensuite il y a 30°C (au moins); et surtout, ils n’ont pas l’air de connaître le principe des sentiers en lacets: c’est tout droit! Le Lonely Planet met d’ailleurs en garde: « certains passages relèvent plus de la varappe que de la randonnée (…) en fin de parcours il faut progresser sur des rochers escarpés pour accéder à la crête puis au sommet (…) soyez vigilant ».

Donc: les points de vue sont superbes, effectivement à couper le souffle (en même temps il est déjà bien court pendant la montée…), et plus on monte et plus on est ébahi par les couleurs du lagon et des motus. Ça grimpe sec, mais on croise une maman avec ses deux ados qui nous confie qu’elle n’est venue à Maupiti que pour cette balade, on serre les dents, ça va être beau! Plusieurs passages vraiment raides ont été équipés de cordes, que Cécilie essaie vainement d’utiliser, mais en vrais petits cabris les filles escaladent tranquillement les rochers sans aide, à la grande fierté de leur papa!


Le panorama au sommet est merveilleux. Le lagon que nous découvrons de l’autre côté fourmille de coraux, et propose un patchwork de verts, de jaunes et de turquoises que l’on ne peut que deviner depuis la mer. Notre émerveillement vaut bien tous les vertiges dépassés…


A peine fatigués, nous cherchons le chemin qui redescend par l’autre versant, en trouvons un extrêmement bien balisé (une marque tous les 5 mètres, ça change de celui de l’aller…), que nous empruntons de bon cœur. Il suit la crête, mais ne redescend pas exactement comme prévu, puisqu’il reste finalement sur le même versant; Vincent a confiance qu’il nous mènera jusqu’en bas. Si ce n’est pas le cas, je me promets de traquer le petit plaisantin qui trouverait bon de leurrer les touristes sans méfiance…
Le sentier est magnifique, mais très vertigineux: nous sommes sans cesse sur la crête, qui parfois ne propose que 2 mètres de largeur: Vincent franchit ces passages devant, en tenant les deux filles fermement… Mais elles ont hérité du pied montagnard de leur papa, qui jamais ne tremble ni ne glisse! Contrairement à mes mains quand je regarde le reste du chemin à parcourir, qui semble descendre là encore d’une traite (les virages, c’est cool quand même, vraiment!), donc les images de la vidéo ont toutes été prises à des moments où j’arrivais à respirer calmement …
Lors d’une pause sous un manguier, en plus de nous proposer toute la palette des bleus, le panorama nous offre un fabuleux cadeau: des baleines s’ébattent juste de l’autre côté de la barrière de corail… Elles sautent et font des éclaboussures visibles depuis nos hauteurs, nous crions de joie à chaque sortie de ces mastodontes marins!
Rien de tel pour retrouver de l’énergie, et nous finissons sans problème la dernière partie du chemin, assez difficile car pas très stabilisée, de nombreuses pierres roulent sous nos pas. Nous arrivons sains et saufs à 500 mètres du chemin de départ, bien contents de nous!
Nous nous arrêtons prendre une glace chez l’épicier qui nous avait renseigné sur le départ de la randonnée la veille: il ne connait pas l’existence du 2ème sentier (très récent donc), et est épaté par la blondeur d’Agathe et la vaillance des filles, les qualifiant de « vikings intrépides »! Ça tombe bien, elles sont toujours en plein dans les films « Dragons », rien ne peut leur faire plus plaisir…


Nous avons fait la connaissance de notre nouveau voisin: Alaia, avec à son bord Alain et Myriam, qui sont en Polynésie depuis 18 mois, et rentrent en France début décembre (leur blog). Ils nous donnent quelques tuyaux pour les Tuamotus, et nous redisent bien la chance que nous avons d’avoir pu accéder à Maupiti aussi facilement!
Myriam nous conseille vivement de nous rendre au « palais de la mer »: nous avions effectivement aperçu depuis le lagon un petit édifice qui nous avait fait penser au palais du facteur Cheval, version polynésienne: en corail et en coquillage.


Nous nous y rendons pour la visite de l’après-midi, et ne sommes pas déçus: l’artiste, Ahky Firuu, propose un show de presque 3 heures à ses visiteurs sous le charme: histoires, légendes, chansons, jeux de mots, il nous présente sa maison qu’il embellit depuis 25 ans à l’aide de coquilles de bénitiers et de sept doigts (c’est le nom d’un coquillage, par ceux de ses mains, il en a bien 10…), qu’il enserre dans du béton et transforme en créatures marines et fantastiques. Il se nomme Prince de la mer, et propose à travers son œuvre une fusion entre la nature et l’artiste, entre la mer et le ciel, la lumière et les étoiles. Il nous confectionne des chapeaux de palme, exhibe un crabe des cocotiers très impressionnant, nous offre un alcool de coco qu’il a distillé lui-même, puis des bières Hinano bien fraîches. Nous découvrons le « cerveau » de la noix de coco, une sorte de mousse qui apparaît plusieurs semaines après que la noix de coco est tombée de son arbre, au goût amer mais à la texture intéressante. Ahky a un petit vivier devant sa maison, duquel il sort plusieurs coquillages vivants: un 7 doigts à qui il chante une ballade pour le faire sortir de sa coquille, et une porcelaine qui fait ventouse dans les mains des touristes. Enfin, le clou du spectacle: le poisson-pierre! Notre hôte l’a apprivoisé, le manipule depuis 4 ans, et nous montre fièrement que lorsque le poisson-pierre est en confiance, il n’est pas du tout la bête mortelle chassée sans pitié en Polynésie… Même si sa piqure ne laisse que peu de chance de survie, à ne surtout pas approcher dans la vraie vie… Les filles sont épatées, en plus il y avait des chatons gris tout mignons, elles sont reparties avec des bracelets et des colliers de coquillage, un bel après-midi!


L’île de Maupiti nous permet donc de belles excursions à terre, contrebalançant des fonds marins un peu décevants car très argileux, avec toujours une visibilité réduite. Nous devrions en repartir en fin de semaine, une fenêtre avec un vent d’ouest est annoncée, assez rare pour ne pas la louper! A l’est donc, soit directement les Tuamotus, soit une étape par Huahine… On verra où le vent nous porte!

La visite du Palais de la mer
Bora Bora

Plongée concert à Bora

On les a vues… de près… de tout près… qui donc? Les baleines…
Car il y a des baleines en Polynésie, pas longtemps: entre août et novembre, elles viennent profiter des eaux chaudes pour se reproduire, ou accoucher! Elles repartent ensuite dans le Sud… Sauf que cette année, elles n’étaient pas encore arrivées, elles se sont fait attendre, les premières ont été aperçues début septembre. Nous en avions aperçu autour de Moorea, puis lors de notre traversée de Huahine: un souffle d’air par-ci, un aileron par là, des présences discrètes qui nous font tressaillir puis bondir sur nos pieds à chaque fois: « une baleine!! Là, là!! ».
Des clubs de plongée proposaient à Tahiti des sorties pour les approcher, et même pour nager avec elles. Nos chemins n’avaient pas pu alors se croiser, mais nous avions déjà tant d’autres choses à découvrir…
Vincent est tombé la semaine dernière lors de la lecture d’un blog de voyageurs suisses sur les coordonnées de Simon, qui propose des sorties à Bora Bora. Pourquoi pas? Nous avons le temps, et si elles sont encore là, profitons-en!
Le rendez-vous est pris, les filles peuvent venir aussi; ce devait être hier, mais finalement décalée à aujourd’hui, la sortie tant espérée, fantasmée, rêvée (au moins pendant deux nuits cette semaine) commence! Sous des augures variés: en plongeant ce matin dans notre nouveau mouillage trop chouette j’ai croisé 3 raies-manta = bon augure; mais quand j’ai voulu replonger un peu plus tard mon appareil photo a pris l’eau = mauvais augure… Mais nous avons notre Go Pro, qui a le temps de charger avant de partir = bon augure… La pythie aurait été plus claire.
J’ai beaucoup préparé les filles pour cette sortie, car il semblerait que les conditions d’approche puissent être compliquées: le bateau à moteur n’a pas le droit d’approcher à moins de 100m du cétacé, nous sommes en haute mer donc il peut y avoir de la houle, et il ne faut pas faire d’éclaboussure en palmant car cela effraie ces grandes bêtes. Les filles sont à fond, parées pour la rencontre!
Nous partageons cette sortie avec un jeune couple américain en anniversaire de mariage, et trois slovènes qui sont dans un monocoque ancré juste à côté de nous; nous sortons par la passe vers l’océan, et les conditions sont idéales: peu de vent, mer très calme, peu de houle.
Et très très vite: une souffle! Deux autres plus loin! Simon met en route son hydrophone qui retransmet le chant de la baleine. Au début on n’y croit pas: ça doit être une bande son qu’il met pour les touristes… Le son est riche, puissant, fait vibrer le bateau dans les graves, nous agresse dans les aigus: c’est vraiment le chant d’une baleine?
Il y a un mâle qui chante depuis trois jours à cet endroit – d’ailleurs seuls les mâles chantent, pour attirer une toute belle (l’inverse de nos sirènes en sorte) -et d’après Simon pas trop farouche: on s’arrête là!
Les instructions pour la mise à l’eau et l’approche: on se glisse dans l’eau (pas de gros plouf), on attend que Simon soit près de la baleine, puis on le rejoint en marche arrière: Tehiva, qui assiste Simon dans la conduite du bateau, nous donne la direction. Cela évite de palmer à la surface, et c’est aussi moins fatigant – 100 mètres à faire dans les vagues, ça fait un bout. Les filles sont dans nos bras, leur coeur bat à toute allure, on y est presque…
L’eau est profonde, pleine de plancton, on ne voit pas grande chose… mais on entend. On vibre. On en prend plein les oreilles: ça craque, ça gargarise, ça cliquète, ça siffle, ça grince, ça assourdit, ça enchante… Nous sommes captivés par cette grosse masse qui se détache petit à petit du fond, queue en l’air, nez en bas, et qui s’en donne à coeur joie. Simon nous fait signe de rester bien groupés autour de lui, nous fait nous décaler… et la grosse masse remonte… Ce n’est pas une grosse masse: c’est gigantesque, formidable, merveilleux, gracieux: il s’est tut, mais nous continuons de frissonner en le regardant s’avancer vers nous, doucement, avec bienveillance. Il nous regarde, nous le regardons, minute bénie et hors du temps, puis il souffle, une fois, deux fois, se détourne, et redescend dans les profondeurs continuer son récital.

La première rencontre me laisse sans voix: je suis submergée par l’émotion, puis, après quelques secondes, je me joints aux cris de joie du groupe. Les filles n’en reviennent pas, elles n’ont pas eu peur, un peu impressionnées, mais complètement sous le charme…
L’après-midi passe vite, la baleine nous fait la grâce de venir nous voir à trois reprises, toutes aussi folles les unes que les autres, puis nous l’abandonnons à ses sérénades. Deux baleines semblent être à l’écoute à quelques kilomètres de là, sautant régulièrement lorsque le mâle remonte; nous les observons de loin, les laissant à leur ballet amoureux.

En rentrant dans la passe, la belle surprise: des dauphins accompagnent notre bateau! Nous sommes à quelques mètres d’eux, puis ils nous gratifient de sauts prodigieux! Triple vrille pour l’un, et saut de plusieurs mètres pour l’autre, même Simon n’avait jamais vu ça…


Nous rentrons au bateau fourbus mais ravis, toutes les attentes qui entouraient cette sortie ont été comblées, et largement dépassées…
Nous invitons les Slovènes pour un apéro bien mérité, afin d’échanger nos impressions, nos photos et nos expériences! Ils nous apportent même un très bon Pinot noir néo-zélandais, exactement ce qu’il nous fallait pour clôturer cette journée complètement folle…

Voici la vidéo de cette sortie, à laquelle je n’ai pas ajouté de musique: j’ai laissé les silences, pour mieux entendre le chant…