Bora Bora

Bora Bora: un paradis?

Bon, réglons ça tout de suite: oui, la lagune de Bora est magnifique, bleu turquoise, le sommet en plein milieu de l’île est splendide et permet des photos incroyables, l’eau est transparente, il y a des beaux poissons… ça pourrait s’apparenter à une idée du paradis, tant vanté sur les magazines et les affiches dans les agences de voyage.

Mais… L’enfer, c’est les autres? Les autres touristes, sans aucun doute. Serait-ce de l’égoïsme que de vouloir garder tout ça pour nous? Certainement. On prend de mauvaises habitudes dans nos mouillages isolés? Peut-être bien…
Retour un peu brutal à la civilisation: les grands hôtels sur pilotis tout autour du lagon impliquent une valse de petits bateaux à moteur, menant leurs passagers aux différents spots de plongée, à terre, sur les motus; les jet-skis s’en donnent à cœur joie, et il y a même un hélicoptère qui fait des rotations en partant des différentes plages des hôtels. Rien de bien méchant en sorte, si ce n’est du bruit et des vagues… et nous ne sommes pas en pleine saison. Comment ça on est des vieux loups de mer râleurs?
C’est vrai que le touriste est roi à Bora, mais à condition qu’il paie: l’arrêté 2442 régissant les mouillages à Bora Bora interdit de mouiller en dehors de certaines zones prédéfinies (jusque là, pourquoi pas). Mais ces zones sont gérées par une compagnie de bouées “Bora Bora Moorings Services” (sans site web) qui, sous couvert de « meilleure gestion du lagon», impose aux bateaux la location de ces bouées (à tarif Bora Bora-esque: 30$ la nuit, 50$ les 3 et 100$ la semaine), en leur interdisant de jeter l’ancre dans ces zones (« On empiète sur le cercle d’évitement »)… alors que certaines sont peu profondes, sablées, donc sans danger pour les coraux – contrairement à la crème solaire dont se tartinent les touristes en plongée…
Bref. Rien de bien grave dans notre microcosme de privilégiés :o)! Mais on avait perdu l’habitude de ne pas faire ce qu’on veut quand on veut et de ne pas avoir à décider à l’avance le nombre de nuits exactes que l’on va passer à un endroit…

Nous avons tout d’abord mouillé au SE de l’île, près du motu Fanfan: nous sommes presque seuls samedi en fin d’après-midi, mais vite rejoints par quelques catamarans de location en provenance de Raiatea. Nous faisons une plongée en dérivante (nous nous laissons portés par le courant avec l’annexe accrochée autour de Vincent) près de la barrière de corail, où nous croisons de très nombreux requins pointes noires, des raies pastenagues, et des petits poissons à deux selles mêlant leurs couleurs vives aux nuances de gris de leurs grands cousins. Le jardin de corail, près du Motu Piti uu Uta, est très joli, nous y croisons de beaux bancs de poissons, ainsi que deux poissons pierres impressionnants (leur piqûre peut être mortelle et en tout cas très douloureuse; on ne s’est pas trop approché).

La plongée en dérivante et le jardin de corail

Nous profitons également de l’immense plage du motu pour tester les raquettes de Beach Ball offertes par Lotus! Les filles ramassent des coquillages, s’ébattent dans les 50 cm d’eau qui s’étalent sur plusieurs dizaines de mètres, un bel après-midi!


Le gestionnaire du parc des bouées nous ayant dit que l’arrêté n’était en fait pas encore en vigueur (mais ses tarifs tout à fait appliqués), nous changeons de mouillage lundi pour nous mettre du côté du Lagoonarium, entre le Méridien et Le Saint Régis Resort. Pas de bouée ici, donc essentiellement des voisins en monocoques qui ont moins la bougeotte.

Nous testons le spot de plongée Anau, au milieu du lagon, qui accueille régulièrement des raies manta; elles n’y sont pas, mais les coraux en revanche nous éblouissent: les massifs sont gigantesques, et descendent jusque dans le tombant, duquel remontent des nuées de poissons scintillants et colorés. Lors de notre première balade nous apercevons une tortue qui s’enfuit à tire de nageoires, mais le lendemain, la chance nous sourit: nous remontons sur l’annexe après une jolie randonnée au milieu des massifs corallien, quand j’aperçois des mouvements d’eau à une trentaine de mètres de nous, au milieu des algues, là où le corail affleure. Vincent m’encourage à me remettre à l’eau, et je palme sans grande conviction dans 50 cm d’eau, rentrant le ventre et serrant les dents. Lorsque je parviens à une eau un peu plus profonde, je vois le bout d’une queue disparaître derrière une patate. C’était donc une tortue… Je continue jusqu’à l’endroit où elle s’est volatilisée, guettant les collines devant moi, admirant une dernière fois toutes les nuances de jaunes et de bleu, puis je fais demi-tour. Et qui est là, m’observant depuis 5 minutes? La tortue, cachée sous un surplomb de corail. Je m’approche doucement, elle continue de me scruter du coin de l’oeil; je commence ma séance photo, elle ne bronche pas. Je tente des signaux vers l’annexe pour communiquer la trouvaille (comment on fait un R avec les mains déjà…), et retourne dans ma contemplation reptilienne. Sous son regard de sphinx, je finis par m’en aller, rencontre Vincent en chemin, le ramène (en hésitant sur le chemin à suivre, c’était à gauche de cette patate? ou de l’autre?), et elle était toujours là, très zen. Finalement convaincue qu’on ne la transformerait pas en soupe, elle sort de son antre et volète de place en place, tantôt marchant sur les polypes, tantôt planant délicatement, nous gardant toujours à l’oeil. Une danse se met à place doucement, la confiance s’installe, et nous nageons de conserve un bon quart d’heure. Elle finit par reprendre sa respiration, puis plonge plus profondément vers le tombant; nous la laissons, reconnaissants de cette belle rencontre.
J’avais promis que je consacrerai une vidéo aux tortues, la voilà ^^!

Plongée à Anau


Nous nous rendons aujourd’hui dans un nouveau mouillage, au SO de l’île, derrière le motu Toopua; Vincent a la bonne idée de couper les moteurs pour la remontée du lagon, nous profitons donc tranquillement de toutes ses nuances de bleu, des profils du mont Otemanu, et des navettes et voiliers charter qui nous doublent à toute vitesse, zut je recommence à râler :o) …
Nous nous arrêtons près de Vaitape, la grande ville de l’île, pour une pause ravitaillement: en diesel et essence tout d’abord (station Total un peu au nord de Vaitape qui accepte la detaxe gasoil), puis un petit tour au super U (pas loin et avec de quoi s’amarrer juste en face) pour faire le plein de poissons, de farine, d’œufs, de fruits, de légumes… nous n’avons pas mangé toutes les courses de début septembre, mais comme nous envisageons de partir directement aux Tuamotus pour plusieurs mois, nous prenons nos précautions! A quoi nous servirait d’être dans les plus beaux atolls du monde si nous n’avons plus de quoi faire des gâteaux au chocolat ^^?

Nous prenons une bouée dans le nouveau mouillage, derrière le motu Toopua, et là: on est bien…. on retrouve les grands espaces, un seul hôtel à l’horizon… et pas de jet-ski… l’impression de retrouver notre paradis perdu…

Huahine

Plongées entre deux rêves

Après ces longs détours, nous découvrons à notre réveil un petit bout de paradis: un mur végétal encadre la baie où nous mouillons, des milliers d’oiseaux ( et évidemment de nombreux coqs) emplissent l’air paisible de leurs chants (pas tous) mélodieux, des odeurs complexes s’échappent de la forêt environnante où poussent quantités d’essences de plantes différentes, l’eau est claire et chaude, une magnifique plage nous tend ses bras… Tahiti et sa foule (oui, une ville de 25 000 habitants est désormais une mégalopole à notre échelle ) nous paraît bien loin!


Nous mouillons sur un énorme banc de sable, avec très peu de profondeur, sur lequel se prélassent des milliers d’holothuries, aussi appelées boudins des mers, beaucoup plus parlant comme description. Pas de danger si on en écrase une, si ce n’est le souvenir d’une sensation visqueuse et poisseuse…
Réveillée de bonne heure, je vais nager sur ce banc de sable, ne découvrant qu’une longue étendue de saucisses noirâtres, quand je vois apparaître dans le lointain un dragon se roulant dans la poussière… ou plutôt une raie léopard fouissant le sable avec son museau. L’eau très peu profonde me permet de la voir de très près, mais elle s’enfuit assez vite, préférant déjeuner seule. Je continue ma promenade, m’approche d’une deuxième congénère, qui ne rechigne pas à partager ses meilleurs spots de mollusques. J’en profite pour faire des photos (j’ai déjà pris mon petit déj), puis la suis vers la partie plus profond de la baie. Ma nouvelle copine entreprend de me faire visiter sa propriété, et nous nageons de conserve (sans croiser de sardines) pendant 45 minutes: elle me fait longer la plage, le ponton où sont nichées de magnifiques anémones, me montre de belles patates de corail, même si l’eau est assez trouble dès qu’elle devient plus profonde.
La raie est tout aussi curieuse que moi, remonte régulièrement vers la surface pour nager à mes côtés, se positionne parfois un peu en-dessous de moi, me donnant l’impression de chevaucher une créature volante, c’est une expérience fantastique!
Au bout d’un moment, elle semble se mettre en pause, retournant au fond de l’eau sans trop bouger, comme pour une sieste. J’en profite pour traverser la baie et rejoindre le bateau, car cela fait un moment que j’ai très froid (l’eau n’est qu’à 27°C, c’est un peu limite, vivement les Tuamotu et leurs eaux à 30°C…).

Au milieu de la baie, j’aperçois une annexe pleine de touristes qui fait des ronds, je m’en approche, des fois qu’il y ait une baleine, et là… j’ai le souffle coupé, le coeur qui s’arrête, des feux d’artifice qui explosent dans ma tête: il y a trois énormes raies mantas qui s’avancent majestueusement… Toute notion de froid oubliée, je palme le plus vite possible pour les rattraper, et assiste bouche bée (c’est l’avantage du masque intégral par rapport au tuba…) à leur nage tellement belle et élégante… Complètement fascinée, je ne panique même pas lorsque la plus grosse remonte vers moi, la gueule béante à la recherche de plancton. Complètement submergée par l’émotion, je les suis une bonne vingtaine de minutes, ayant même la surprise de revoir apparaître la petite raie léopard, qui se lance à la poursuite de ses très grandes cousines, me permettant de mieux admirer l’échelle de ces bêtes gigantesques.

De retour parmi les humains, les filles terminent leurs devoirs et nous rejoignons Lotus sur la plage, à qui je montre béatement les photos et les films de la matinée… Les filles profitent des poissons et du sable clair et doux, puis nous nous installons au petit restaurant tout à fait charmant de l’hôtel de la baie, qui propose de très beaux plats à base de poissons crus. C’est beau, c’est bon, il y a des raies mantas pas loin, que demander de plus?

L’après-midi, petite plongée dans la baie, qui m’offre à nouveau un beau cadeau: je croise enfin des tortues! Jusqu’à présent seulement aperçues s’enfuyant à toute allure, j’ai tout le loisir cette fois de les admirer nager calmement d’un rocher à un autre, m’observant tranquillement du coin de l’oeil tout en m’acceptant sur leur territoire. Ma raie revient me faire un signe, elle est accompagnée cette fois d’un poisson nettoyeur « comme les grandes »…

Cette journée complètement folle se termine sur Lotus, je perds à la partie de tarot mexicain, mais je pense que j’ai largement épuisé mon quota de chance de ces douze dernières heures, je suis bonne perdante…

A minuit, j’ai terminé de monter toutes les vidéos de raies et de tortues pendant que Vincent rédigeait l’article sur notre traversée jusqu’à Huahine, quand ce matin, je suis retournée à l’eau… et après quelques heures, il a fallu que je me rende à l’évidence: il va falloir rééditer le film.

Pourtant, en maillot de bain dès 7h, je n’avais guère croisé que trois tortues (voyez comme je suis déjà complètement blasée de ce magnifique reptile que je rêvais de rencontrer depuis des semaines), quand, me rebaignant à 10h, je vois partir l’équipage de Lotus et Agathe (qui continue ses soirées pyjamas) en kayak en direction de la passe. Je les suis, et les ayant enfin rattrapés, ils m’expliquent qu’en filmant avec leur drone ils ont aperçu une raie manta près de la passe, mais qu’elle venait de repartir. Je traîne un moment dans le coin (je n’ai rien d’autre à faire, ma copine raie dort encore), et là… qui voilà? Une petite raie manta toute guillerette, qui longe les tombants de la baie. Je la suis en direction du bateau, tentant par tous les moyens de communiquer aux occupants de Fakarever et de Lotus de revenir. Ils finissent par avoir le message, et nous partageons une magnifique baignade en compagnie de cette jeune raie pas du tout farouche, qui nous gratifie de saltos arrière et de nages sur le dos, sous nos yeux ébahis et admiratifs. Elle sait qu’elle est belle, et montre toute l’étendue de son talent à un public complètement conquis. Elle nous laisse la rattraper, et je vis ce moment merveilleux de nager à la hauteur de ses yeux, côte à côte, puis légèrement au-dessus d’elle, de ses ailes, me sentant acceptée par ce magnifique animal sauvage.

Déjeuner chez nous avec Lotus pour partager nos émotions et nos films, je récupère notamment les magnifiques vues le la raie depuis le drone, et je termine le film, obligée avec un pincement de coeur de supprimer les vues des tortues pour qu’il ne soit pas trop long… Pour me faire pardonner, quelques photos de ces vénérables, et promis, je leur consacrerai une prochaine vidéo!

p.s: attention, certaines images peuvent heurter la sensibilité, et vous donner envie de vous désabonner de ce blog, la vue de ces gros poissons suscitant une jalousie incontrôlable. Je comprendrai, j’aurais fait pareil ^^…

Vidéo un peu plus longue, mais j’ai eu du mal à couper…